Peut-on soigner les acouphènes ?

Les acouphènes concernent de très nombreux Français. Parce qu'ils ne gênent que ceux qui les entendent, les acouphènes sont particulièrement difficiles à expliquer. Bourdonnements, sifflements... Le silence peut devenir insupportable, car il renforce la sensation sonore. D'où viennent ces bruits ? Comment en limiter les effets ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Peut-on soigner les acouphènes ?
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Acouphènes : illusions auditives ?

Marina Carrère d'Encausse et Régis Boxelé expliquent l'origine des acouphènes
Marina Carrère d'Encausse et Régis Boxelé expliquent l'origine des acouphènes

Les acouphènes concernent 1 personne sur 6, à un moment de la vie, d'après France acouphènes. 
L'acouphène n'est pas une maladie, mais un symptôme. C'est un souffle, un grésillement, un bourdonnement ou un choc régulier entendu sans cesse jour et nuit, dans l'oreille ou dans la tête, sans aucun stimulus sonore extérieur. Les acouphènes peuvent rendre la vie insupportable dans les cas les plus graves.

Pour comprendre l'origine des acouphènes, il faut savoir comment fonctionne notre audition. Le son se propage dans l'air sous forme de vibrations. Ces vibrations sont captées par le pavillon de l'oreille, puis traversent le conduit auditif pour faire vibrer le tympan comme une peau de tambour. Une fois amplifiées, elles sont transmises à trois petits osselets, puis à la cochlée. 

La cochlée renferme les cellules ciliées spécialisées dans l'audition. En ondulant, les cils envoient un signal au nerf auditif qui le transmettra au cerveau. Différentes zones interviennent alors pour déchiffrer et donner du sens aux différents sons captés par l'oreille.

Les acouphènes ne sont pas des sons qui proviennent de l'extérieur, mais des bruits "parasites", presque toujours générés par le système auditif lui-même, dans structures internes de l'oreille ou dans le cerveau. Il existe deux sortes d'acouphènes.

  • Les plus rares sont des acouphènes dits "objectifs" : le malade entend un bruit généré par son corps (pulsations cardiaques, claquements musculaires…). Ce type d'acouphènes est causé par des troubles qui, par exemple, rendent le flot sanguin plus audible. Le médecin peut lui aussi les percevoir, par exemple en apposant son stéthoscope à l'oreille du patient.
  • Mais dans 95% des cas, il s'agit d'acouphènes subjectifs. Seul le patient peut les entendre. Comme un membre amputé provoquerait des douleurs "fantômes", le système auditif dysfonctionne. Il produit une activité cérébrale interprétée comme un son.
     

Il existe autant de types d'acouphènes que de causes. La difficulté à trouver la cause complique le traitement et son efficacité.


Acouphènes : c'est dans le cerveau. Chronique du Pr Laurent Cohen, neurologue, le 30 avril 2015 dans l'émission Allodocteurs.

Selon un sondage réalisé en 2018 en amont de la Journée Nationale de l'Audition, un peu plus de 6% de la population souffrirait d’acouphènes de manière permanente, et 8% d'une forme d'hypersensibilité au bruit.

Quand le silence s'entend

L'acouphène est un bruit subjectif qui est perçu au niveau de l'oreille ou du crâne. On peut l'entendre d'un seul côté ou des deux. Il peut être temporaire, après un effort ou après un passage en boîte de nuit, mais peut aussi être perçu sans interruption, jour et nuit.

La personne atteinte est la seule à entendre son acouphène, perçu essentiellement dans le silence. Ce que les malades entendent varie du simple tintement métallique ou sifflement à celui d'un bruit de tondeuse à gazon. 

L'acouphène peut avoir un fort retentissement sur la qualité, générant de l'anxiété, des difficultés pour s'endormir ou même une dépression.

Première étape : chercher à identifier la cause des acouphènes

Les acouphènes peuvent être la conséquence de nombreuses pathologies, comme une infection de l'oreille comme une otite, un traumatisme sonore, la maladie de Ménière, ou même une hypertension artérielle.

Avant toute chose, la personne qui souffre d'acouphènes doit consulter un ORL, afin que celui-ci dresse un bilan auditif et détermine à quel point le son parasite impacte le quotidien. APrès un traumatisme sonore, on recommande de consulter dans les 48 heures pour faire un bilan.

La prise en charge des acouphènes peut nécessiter de faire intervenir différentes approches thérapeutiques, au cas par cas. Des appareillages permettant de produire des sons recouvrant la fréquence l'acouphène peuvent également être proposés, afin de masquer celui-ci. Le silence est souvent à éviter, en privilégiant un bruit de faible intensité, qui facilite l'adaptation à l'acouphène.

Les patients peuvent, dans certains cas, recourir à des thérapies comportementales et cognitives (voir dernier paragraphe). Ils apprennent alors à ne plus focaliser sur le bruit de l'acouphène. Même si les résultats ne sont pas garantis, dans 70% des cas, ces soins diminuent la gêne provoquée par les acouphènes.

Des traitements médicamenteux peuvent être proposés si l'acouphène s'accompagne de douleurs, afin de les soulager (vasodilatateurs qui dilatent les vaisseaux sanguins dans le cerveau). Les acouphènes pouvant être la cause d'une forte anxiété, des anxiolytiques peuvent faire partie de la stratégie thérapeutique, tout comme une thérapie de soutien avec un psychologue. .

En cas de perte auditive sévère, il y a bien sûr des techniques chirurgicales. Une perte d'audition est souvent associée à l'acouphène et lorsque l'une des oreilles est complètement sourde, on peut alors faire une stimulation électrique. Une prothèse placée sur l'enclume produit un courant électrique et entraîne une sensation sonore qui masque l'acouphène.

Il existe un traitement expérimental des acouphènes : l'électrostimulation. Un traitement qui ne fonctionne cependant que dans certains cas bien particuliers. Il faut donc au préalable caractériser le type d'acouphène par un examen spécifique : l'acouphénométrie. L'électrostimulation est souvent associée à la sophrologie.

D'autres thérapies sont en cours d'expérimentation.

Des appareils auditifs masqueurs d'acouphènes

80% des personnes souffrant d'acouphènes présentent aussi une baisse d'audition. Une des solutions est de proposer au patient un appareil auditif. Le but : mieux entendre l'environnement sonore pour moins concentrer son attention sur l'acouphène.

La perte auditive empêche le patient d'entendre correctement les bruits ambiants et renforce la présence de leurs acouphènes. Dans ce cas, des appareils auditifs peuvent être proposés : "À partir du moment où on appareille le patient, on lui fait entendre les sons qu'il devrait entendre mais qu'il n'entendait plus. Et cela va noyer l'acouphène", explique Philippe Metzger, audioprothésiste.

Un deuxième programme peut être intégré à la prothèse auditive. Le patient choisit un son qui l'apaise. Il pourra alors le déclencher si l'acouphène redevient trop présent : "L'acouphène est très énervant, très angoissant car il est imposé. Le patient subit complètement son acouphène et il finit par devenir obsessionnel. Mais si on met un bruit qui va noyer cet acouphène et un bruit que le patient crée lui-même, il acceptera beaucoup mieux l'acouphène et il va le neutraliser", précise l'audioprothésiste.

Les prothèses auditives masqueurs d'acouphènes ont donc pour fonction de générer un bruit calé sur la ou les fréquences des acouphènes du patient. Elles l'aident ainsi à mieux gérer ses acouphènes au quotidien et à diminuer la gêne occasionnée par ces derniers.

Acouphènes : des causes traitées chirurgicalement

L’intervention chirurgicale contre la surdité liée à l'otospongiose
L’intervention chirurgicale contre la surdité liée à l'otospongiose

En France, 3 personnes sur 1.000 ont des problèmes d'audition causées par l'otospongiose, qui entraîne une altération progressive de l'audition et, fréquemment, des acouphènes. 

Pour comprendre cette pathologie, il faut revenir un instant sur le fonctionnement de notre oreille : placé derrière le tympan, l'étrier transmet en bougeant le son entre l'oreille moyenne et l'oreille interne. Dans l'oreille atteinte d'otospongiose, l'étrier se bloque et empêche le transmission normale des sons.

Une opération chirurgicale est parfois nécessaire pour résoudre le problème.

"Le principe de l'intervention est de soulever le tympan pour aborder l'étrier, l'enlever, faire un petit trou au niveau de l'oreille interne et placer une petite prothèse qui sera attachée sur l'enclume. Cette prothèse permettra de remettre en vibration les liquides de l'oreille interne. Et donc dans l'immense majorité des cas, d'améliorer l'audition du patient", expliquait dans l'émission Allodocteurs le Dr Denis Ayache, chirurgien ORL.

Effectuée sous anesthésie générale, l'intervention ne dure que trente minutes. L'intervention chirurgicale est efficace dans 95% des cas. Elle permet de traiter la surdité – et, incidemment, les acouphènes – à condition que l'oreille interne ne soit pas touchée. 

Après l'intervention, il ne faut pas oublier la surveillance de son audition : un audiogramme doit être réalisé tous les ans.

Sophrologie : apprendre à oublier le bruit

Quand ils surviennent, les acouphènes sont très angoissants pour les patients. Peur de devenir sourd, peur d'avoir une tumeur et surtout peur de ne pas pouvoir supporter ce bruit qui envahit leur tête. Pour essayer de réduire les acouphènes, les ORL proposent des séances de sophrologie.

Les séances de sophrologie permettent aux patients d'apprendre à oublier leurs acouphènes, et ainsi à mieux les supporter.

La thérapie comportementale contre les acouphènes

Les patients apprennent à ne plus se focaliser sur le bruit de l'acouphène
Les patients apprennent à ne plus se focaliser sur le bruit de l'acouphène

Quand il est impossible de faire cesser les acouphènes, les patients ont parfois recours à la thérapie cognitive et comportementale (TCC). Seul ou en groupe, les séances de TCC apprennent aux patients à vivre avec ses sons.

Le thérapie cognitive et comportementale est une méthode qui apprend aux patients à mieux vivre avec ce symptôme comme l'explique le Dr Philippe Peignard, médecin comportementaliste : "L'objectif des thérapies comportementales et cognitives, c'est de permettre aux personnes dérangées par leurs acouphènes d'apprendre à accepter d'être dérangées. Et petit à petit, en acceptant d'être dérangé, on va mieux tolérer cette réaction et donc on va moins chercher à supprimer le stimulus de départ qu'est l'acouphène". Entre chaque séance, il est demandé aux patients d'appliquer chez eux les exercices appris en groupe.

Stress, dépression... les acouphènes peuvent avoir de lourdes conséquences. La thérapie de groupe permet de sortir de l'isolement et de casser de mauvaises habitudes. D'après des études récentes, la thérapie cognitive et comportementale est efficace pour sept patients sur dix.