L'État veut-il abandonner la Miviludes et la lutte contre les sectes ?

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires plus connue sous le nom de Miviludes est sur le point de disparaître, en tous cas sous sa forme actuelle. Le gouvernement a-t-il décidé d’arrêter le combat contre les dérives sectaires  ? Qu’en est-il exactement  ? Les réponses de notre spécialiste.

La rédaction d'Allo Docteurs
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500 000 personnes seraient sous emprise de sectes aujourd’hui en France. Depuis le départ à la retraite de Serge Blisko il y a 2 ans, la Miviludes n’avait plus de président et son existence était en question. Depuis le 1er janvier dernier, c'est plus clair et le gouvernement a décidé que la Miviludes dépendra du ministère de l’Intérieur et non plus du Premier ministre comme c’était le cas jusqu’à présent.

La Miviludes travaillera avec le Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation (CIPDR). Officiellement elle ne sera pas dissoute mais elle va fusionner avec ce dernier. Elle gardera ses 9 conseillers, mais il y aura une réduction du personnel administratif en vue d’une mutualisation des moyens avec le CIPDR. Tout cela c’est en théorie car pour le moment, tout le monde est encore à Matignon. 

Une décision qui a fait réagir de nombreuses personnalités de la vie publique

Une dizaine de parlementaires dont Jean-Luc Mélenchon ont interpellé le premier ministre pour demander des explications. Georges Fenech, l’ancien président de la Miviludes a exprimé son inquiétude dans les médias. Tous craignent que le gouvernement veuille faire disparaître la Miviludes en la faisant passer sous le joug du ministère de l’intérieur.

Elle perdrait selon eux son aspect transversal, ses relais locaux dans les préfectures de France. Pour les associations de victimes, cette fusion est un signal positif envoyé aux sectes.

La Miviludes joue un rôle essentiel

C'est surprenant mais cela ressemble un peu à une mort symbolique. La Miviludes est une structure unique au monde, créée à la suite d’un événement qui a marqué les consciences. C'était il y a tout juste 25 ans, dans le massif du Vercors. 13 adultes et 3 enfants périssaient dans les flammes au cours d’un sacrifice collectif. Ils étaient ainsi assurés de rejoindre la planète Sirius. Derrière ce massacre, se cachait la secte de l’Ordre du Temple solaire.

Suite à ce drame les autorités françaises créent la Mils qui deviendra la Miviludes. Sa mission est de repérer le phénomène sectaire sur le territoire, de coordonner la répression et bien sûr faire de la prévention auprès du public sur les dérives sectaires.   

Traquer les dérives sectaires dans le domaine de la santé 

Selon un dernier rapport d’activité, 40 % des signalements concernent le secteur de la santé. La Miviludes a fait un travail remarquable en démasquant les charlatans qui prétendent soigner le cancer avec des potions magiques. Encore cette année c’est elle qui a signalé à l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) le Fonds Josefa qui pratiquait des essais cliniques clandestins. L’expérimentation consistait à appliquer aux patients des patchs dans l’espoir de traiter plusieurs maladies neurologiques (Parkinson, Alzheimer, troubles du sommeil…) 

Pourquoi une fusion de la Miviludes avec le CIPDR ? 

La Miviludes ne coûtait pas cher, elle se débrouillait avec un budget de 500 000 euros tout compris. Ce qui n’est pas exagéré compte tenu de sa mission.
En réalité, les problèmes commencent en 2013/14 quand des jeunes français partent en Syrie et se radicalisent. Le gouvernement de l’époque demande à la Miviludes de s’intéresser à ce phénomène de radicalisation. C'est à ce moment qu'elle va se perdre dans ses missions. 

Était-elle compétente  pour traiter ce type d’affaire  ? En avait-elle les moyens  ? La radicalisation islamique est-elle un phénomène sectaire  ? Ce sont ces interrogations qui ont poussé la Cour des Comptes à suggérer une réorganisation de la Miviludes et de la placer sous le contrôle du ministère de l’Intérieur. Bien que depuis 2 ans la Miviludes se soit recentrée sur son domaine d’expertise, les sectes, le gouvernement a décidé d’exécuter cette recommandation. 

Quelles raisons pousseraient le gouvernement à enterrer la Miviludes ?

S’il n’y a pas d’enjeu financier, alors quelles seraient les raisons ? Depuis 15 ans, le budget et les pouvoirs de la Miviludes diminuent, c’est un mouvement de fond. En son temps, Nicolas Sarkozy voulait lui aussi supprimer la Miviludes. On se rappelle des images où il recevait officiellement Tom Cruise, chantre de la scientologie, mouvement très surveillé par la Miviludes. 

Aujourd’hui, les parlementaires, les associations et Georges Fenech ont le sentiment que le gouvernement actuel ne prendrait pas au sérieux les mouvements sectaires sans vraiment en apporter de preuves. Certains pensent que l’administration française serait infiltrée par l’anthroposophie, un mouvement ésotérique auquel voulait s’attaquer la Miviludes.

Pour faire taire la Miviludes, on la ferait fusionner avec le CIPDR pour ne plus en entendre parler. Cette thèse est relayée dans la presse sérieuse et par certains parlementaires. On est proche de la théorie du complot !

Pour l’instant fusion ne veut pas dire disparition, encore une fois les conseillers ne sont pas licenciés, selon sa secrétaire générale, la Miviludes peut à priori continuer son travail. 

Beaucoup de travail et des dossiers

En 2018 il y a eu 3 000 signalements de mouvements sectaires recensés soit une hausse de 23 % par rapport à 2017. Entre les pasteurs autoproclamés qui prétendent "guérir" l’homosexualité, la Scientologie qui vient d’investir 33 millions d’euros dans un siège social de 7.000 mètres carrés à Saint-Denis il y a en effet encore du travail pour la Miviludes. On espère qu’elle continuera pleinement à remplir son rôle.  

Si vous souhaitez être aidé ou aider un proche sous emprise vous pouvez contacter la Miviludes via son site internet  : www.derives-sectes.gouv.fr.