Attentats : des blessures de guerre

Perforations du ventre, du thorax, hémorragies : les blessures des victimes des attentats de Paris, jeunes pour la plupart, évoquaient "des blessures de guerre", selon les médecins intervenus sur place. Sur le plateau du Magazine de la santé, le professeur Sylvain Rigal, chef du service d'orthopédie-traumatologie de l'hôpital militaire Percy à Clamart, est revenu sur ces blessures.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Pr. Sylvain Rigal, chef du service d'orthopédie-traumatologie de l'hôpital militaire Percy à Clamart
Entretien avec le Pr. Sylvain Rigal, chef du service d'orthopédie-traumatologie de l'hôpital militaire Percy à Clamart

C'était "une ambiance de scènes de guerre", dit le Pr Philippe Juvin, chef des Urgences de l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, en évoquant l'afflux de blessés par balles, dont un tiers de blessés graves transférés aussitôt au bloc opératoire ou en réanimation.

"Les opérations continuent", une fois passées les plus urgentes, précise dimanche ce médecin, qui a une expérience des zones de conflits, comme l'Afghanistan. Des patients sont encore en réanimation en raison de leur état préoccupant.

"La plupart des blessés avaient été traversés de balles, c'était horrible", raconte un des chirurgiens de l'hôpital Lariboisière, sous couvert d'anonymat. Mâchoires, crânes, yeux, membres touchés, égrène-t-il en évoquant "un grand sentiment de désolation"

Dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre, huit blocs opératoires sur douze tournaient dans cet hôpital. Les chirurgiens orthopédistes ont aussi été très mobilisés en raison des plaies aux membres.

"Le plus important, c'est l'organisation : la répartition des patients dans les hôpitaux afin de leur donner toutes leurs chances" de survie, souligne pour sa part le Pr Didier Journois, du service anesthésie réanimation de l'hôpital Georges-Pompidou. Ceux qui ne représentaient pas une urgence absolue ont été "stabilisés" et placés sous surveillance.

Des séquelles et de longs mois de traitement

Tous parlent des dégâts considérables provoqués par les balles de gros calibre tirées par les terroristes, armés notamment de fusils d'assaut Kalachnikov et portant des ceintures d'explosifs : dégâts musculaires, osseux, hémorragies... L'un d'entre eux évoque même "une patiente criblée de boulons", provenant probablement de ces ceintures d'explosifs, qui en étaient remplies.

Beaucoup de gens vont avoir des séquelles, déplorent les médecins. Et pour certains, de longs mois de traitement vont suivre (nouvelles interventions, greffes...), comme pour Philippe Lançon, chroniqueur rescapé de la tuerie de Charlie Hebdo, touché à la mâchoire par les balles des frères Kouachi, et qui a subi depuis treize interventions chirurgicales.

"Un état de sidération"

Mais les médecins ont aussi été frappés par l'état de "sidération" des patients "comme anesthésiés, groggy" par ce qu'ils ont vécu. Tel cet homme de 30 ans, touché au foie par une balle, qui demande au médecin : "Est-ce que c'est grave ?"

"Ils sont comme KO debout. Ils n'expriment pas une émotion légitime", commente Dominique Pateron, chef du service des urgences de Saint-Antoine. Il évoque ainsi le cas d'un patient visiblement grièvement blessé au bras par une balle et qui "semble détaché à la fois du drame et de sa blessure". Quand on l'interroge, il dit simplement : "je ne sais pas, j'ai rien vu".