Viol : quelle prise en charge pour les victimes ?
Plus de 150.000 femmes seraient violées chaque année en France, mais moins de 10% d'entre elles portent plainte. Qu'en est-il du suivi psychologique des victimes ? Sont-elles prises en charge ? Comment se remettre d'un tel traumatisme ?


Pourquoi parle-t-on de sidération lors d'un viol ?

Sur le plan cérébral, dès le début d'une agression, notre système d'alarme, l'amygdale (chargée de décoder les émotions et les stimuli de menace), s'active et déclenche une cascade de réactions pour préparer notre fuite.
Elle provoque, entre autres, la production par les glandes surrénales des hormones du stress, l'adrénaline et le cortisol. Résultat : tout l'organisme est sous tension, le flux sanguin, le rythme cardiaque et la respiration s'accélèrent, les muscles sont contractés, prêts à amorcer la fuite.
Mais quand la victime est immobilisée par son agresseur et ne peut pas s'enfuir, très vite l'amygdale cérébrale s'affole ; les centres nerveux au niveau du cortex, sensés analyser et modérer les réactions, sont comme noyés par les signaux d'alerte. C'est la panique totale. L'amygdale surchauffe, la victime est dans un état de sidération. Du coup, elle ne peut plus se défendre ni crier ni même réagir... Elle est comme paralysée, elle est dans un état de stress extrême dépassé et sent qu'elle va mourir.
Alors, pour éviter que le survoltage de l'amygdale ne provoque un arrêt cardiaque, le cerveau déclenche une sorte de court-circuit, en libérant des substances chimiques, de la morphine et de la kétamine, qui vont isoler le système d'alarme. La production d'hormones de stress est alors stoppée.
La victime est comme coupée du monde, déconnectée de ses émotions. Pourtant, la violence continue, mais elle ne ressent presque plus rien, ce qui lui donne un sentiment d'irréalité totale (les victimes le disent : à un moment donné, elles ont l'impression d'être spectatrices de l'événement).
C'est cette dissociation qui va leur permettre de rester en vie, mais qui, paradoxalement, va provoquer le sentiment de culpabilité et bien d'autres conséquences. Car isolée, anesthésiée par les décharges de morphine et de kétamine, l'amygdale n'évacue pas le traumatisme du viol vers l'hippocampe, notre système de mémorisation et d'analyse des souvenirs.
Le moment du viol reste comme piégé en l'état dans l'amygdale. Ainsi, à chaque flash-back, c'est le souvenir du viol non traité par le cerveau que va revivre la victime, un moment extrêmement violent. C'est ce que l'on appelle le stress post-traumatique.
Avec les travaux du Dr Muriel Salmona, psychiatre.
Une agression, un traumatisme

Une jeune femme, abusée il y a quatre ans, souffre toujours de ce traumatisme. Elle se confie et apporte son soutien aux autres victimes.
Victimes d'agressions sexuelles : la police à l'écoute

La police est souvent le premier contact des victimes qui portent plainte. Longtemps critiquée, la préfecture de police tente aujourd'hui de remédier à cette image avec une formation spécifique à destination des policiers.
Depuis quelques années, les victimes d'agressions sexuelles peuvent se voir proposer un suivi psychologique gratuit.
L'examen médical des victimes de viol

Si le viol est clairement considéré comme un crime depuis une trentaine d'années, les mentalités évoluent lentement : seule une victime sur dix ose porter plainte...
Dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux femmes dévoilé en novembre 2013, le gouvernement a confirmé sa volonté de simplifier la prise en charge des victimes de viol avec notamment la mise en place d'un kit d'urgence.
Après avoir porté plainte dans un service de police, les victimes de viol doivent procéder à un examen médical. Après un entretien avec une infirmière de l'unité médico-judiciaire, on procède à un examen médical et gynécologique ainsi qu'à des prélèvements, test de grossesse, test HIV notamment. Le but est de dépister d'éventuelles pathologies et mettre en place des traitements le plus rapidement possible.
Pour avoir accès à une prise en charge médicale et psychologique digne de ce nom, les victimes de viol doivent d'abord porter plainte.
Une ligne téléphonique pour les victimes de viol

Pour venir en aide aux victimes de violences sexuelles, il existe la ligne téléphonique SOS Viols Femmes informations. Le Collectif féministe contre le viol tient cette permanence.
La permanence nationale "Viols femmes informations" fonctionne du lundi au vendredi de 10h à 19h. Le numéro anonyme et gratuit est le 0 800 05 95 95.
Chaque jour des dizaines d'appels arrivent sur la ligne téléphonique du Collectif féministe contre le viol. Un numéro anonyme et gratuit mis à la disposition des victimes de viol et d'agressions sexuelles.
Juristes, conseillères conjugales, assistantes sociales… Les écoutantes sont disponibles pour accompagner et guider les victimes. Julie Menuel explique le rôle des écoutantes : "Notre travail est d'écouter les victimes qui n'ont pas beaucoup d'espace d'expression pour évoquer ces sujets. Notre rôle est de soutenir ces personnes et de remettre les choses à l'endroit. Quand les victimes nous racontent les viols, elles nous racontent tout à l'envers, elles culpabilisent, elles ont l'impression d'avoir mal fait… Notre rôle est donc de remettre les choses à l'endroit et de comprendre la stratégie de l'agresseur".
Depuis l'ouverture de la ligne téléphonique "Viols femmes informations" il y a près de trente ans, plus de 45.000 victimes de viol et autres agressions sexuelles ont pu raconter leur histoire en toute confiance.
Au fil des appels, les écoutantes aident les victimes à sortir de leur isolement et à parler. Elles les orientent également vers des soignants pour une prise en charge psychologique mais aussi vers des groupes de parole ou des consultations juridiques.
Se reconstruire après un inceste
Le mot "inceste" vient du latin incestus, qui signifie impur, souillé, sacrilège. Dans le dictionnaire, on définit l'inceste comme "une relation sexuelle entre membres d'une même famille et soumise à l'interdit". Un sujet qui reste tabou alors qu'en France, deux millions de personnes auraient été victimes de violences sexuelles incestueuses, parmi lesquelles une grande majorité de femmes mais aussi des hommes.
Pour pouvoir se reconstruire après un inceste, les victimes ont besoin de parler à leur thérapeute, bien sûr, mais elles peuvent aussi avoir envie de se rendre à des groupes de paroles, rassemblant des personnes ayant vécu le même traumatisme. L'AIVI - association internationale des victimes de l'inceste – organise tous les mois dans plusieurs villes de France des groupes de paroles.
S'exprimer, écouter, partager… c'est ce que viennent chercher les victimes d'inceste dans les groupes de paroles. L'animatrice n'est pas une thérapeute mais une survivante de l'inceste comme on dit dans l'association. Dans ces groupes, on parle de tout, même du plus intime et du plus douloureux : la sexualité. Le temps pour se reconstruire est nécessairement long pour que la parole se libère et permette enfin de vivre.
Suite à ces groupes, des livres regroupant des témoignages de victimes sont édités. Pour s'inscrire à ces groupes de paroles, vous pouvez vous rendre sur le site de l'association internationale des victimes de l'inceste.
Livres
- Vivre en couple après l'inceste
Isabelle Aubry
Ed. Josette Lyon, février 2015
- Le livre noir des violences sexuelles
Dr Muriel Salmona
Ed. Dunod, avril 2013
- Le viol
Marie-Ange Le Boulaire
Ed. J'ai lu, décembre 2004
"Peau d'âne" : un conte incestueux
Et si l'inceste était raconté aux enfants ? Une nouveauté ? Pas du tout, le tabou de l'inceste est bel et bien présent dans "Peau d'âne", un conte de Charles Perrault paru en 1694. De ce conte, une association en a tiré une adaptation à destination des enfants : "Cafouillages dans Peau d'âne".
Y ALLER
- Cafouillages dans Peau d'âne
Les mercredis à 16h30
La Comédie Saint-Michel
95 boulevard Saint-Michel - 75005 Paris
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