Faut-il toujours éplucher ses pommes ?
Les pommes font partie des fruits les plus consommés en France. Dans l'agriculture conventionnelle, elles sont souvent traitées avec des pesticides. Mais les éplucher permet-il de les éliminer totalement ?
Doit-on éplucher nos pommes avant de les manger ? Le débat n'est pas nouveau en France, troisième pays producteur mondial de ce fruit. Cultiver des pommes requiert l'utilisation de pesticides dans l'agriculture conventionnelle. "Une pommes subit en moyenne 35 traitements phytosanitaires. Herbicides, insecticides, fongicides… Les pomiculteurs peuvent choisir parmi plus de 2500 produits toxiques. La plupart des pesticides sont déposés directement sur le fruit par pulvérisation : la peau est ainsi gorgée de substances chimiques", alertait une étude réalisée par Greenpeace en 2016.
Quels sont les risques pour la santé ?
L'usage des pesticides en agriculture est régi par des normes sanitaires qui établissent des doses considérées "sans danger" pour les consommateurs. En 2023, l'EFSA indiquait que le risque des résidus de pesticides pour la santé restait "faible", après l'analyse de milliers d'échantillons prélevés sur des produits de consommation courante. Les effets des pesticides sur la santé sont encore mal connus, tout comme l'impact d'un effet cocktail, c'est-à-dire le mélange de plusieurs résidus retrouvés sur certains aliments.
"Des études menées à l’étranger et quelques études françaises montrent que de nombreux pesticides sont présents dans les matrices biologiques humaines (sang, urines, sang du cordon ombilical, lait, graisse sous-cutanée) et attestent de la réalité des expositions de l’ensemble de la population", renseignait le Centre Léon Bérard. Une étude sur l'impact d'un mélange de pesticides utilisés dans les pommeraies françaises, a été menée par des chercheurs de l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (Inrae) et de l'Inserm. Elle établissait des risques sanitaires possibles.
Ainsi, des souris exposées pendant un an à une dose journalière réaliste de six pesticides enregistrent, selon cette étude, une forte prise de poids. Des marqueurs de diabète de type 2 ou de stéatose hépatique ont été relevés, ainsi que des perturbations du microbiote intestinal. "Ce ne sont pas des composés anodins. Les pesticides sont des composés biologiquement actifs qui peuvent exercer des impacts sur des cibles autres que celles pour lesquelles ils ont été conçus", confirme Laurence Gamet-Payrastre, directrice de recherche à l'Inrae.
Laver ou éplucher ses pommes ?
Que peut faire le consommateur pour s'en protéger ? Laver ses pommes est une étape indispensable. "Bien laver permet d'enlever certains pesticides. Il faut un vrai trempage, pas simplement les passer sous l'eau mais plutôt en effectuer plusieurs pour mettre en suspension les pesticides", explique Laurence Gamet-Payrastre. Une durée de trempage de deux à cinq minutes accroît le taux d'élimination des pesticides, tout comme l'ajout de citron ou de vinaigre dans l'eau de rinçage.
Éplucher ses pommes est particulièrement efficace pour éliminer les pesticides de contact qui ne sont pas solubles dans l'eau. Seulement, la peau est souvent vantée pour ses nombreux nutriments bénéfiques à l'organisme. "C'est toujours compliqué de généraliser des conseils parce la peau contient des choses intéressantes pour la santé, comme des antioxydants et des fibres, donc il faut peser le pour et le contre", concède la directrice de recherche de l'Inrae.
Malgré l'épluchage, des résidus de pesticides peuvent subsister dans la chair de la pomme, tels que des fongicides. Leur présence, à l'instar d'autres pesticides, peut varier pour des questions météorologiques. "C'est difficile de donner un conseil général parce que ça dépend beaucoup de la météo, une année de récolte peut connaître beaucoup de pluie, il y a donc plus de risques de moisissures, et des fongicides pourraient davantage être utilisés par rapport à d'autres années", ajoute-t-elle.
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Faut-il acheter des pommes bio ?
Pour limiter les risques d'exposition, l'alternative du bio est-elle valide ? Le rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) montre que, parmi les échantillons issus de l’agriculture biologique, 82,8 % ne contenaient pas de résidus de pesticides quantifiables. "Vous réduisez fortement les risques de consommer des fruits contaminés. Il y en aura toujours, certains pesticides sont présents dans l'air, l'eau ou le sol. Mais consommer bio est une manière de se protéger", affirme Laurence Gamet-Payrastre.
Certains fruits et légumes présentent plus de risques d'être contaminés aux pesticides, comme l'orange, le citron, la mandarine ou la fraise, ainsi que les produits transformés à base de fruits, comme les compotes ou les jus. L'association UFC-Que Choisir propose avec son Observatoire des Pesticides, "d'aider les consommateurs à identifier les aliments pour lesquels le bénéfice individuel à passer en bio semble le plus important", d'après les résultats d’analyses d'environ 5 000 aliments d’origine végétale, réalisées entre 2019 et 2021 par les autorités françaises.
Si vous ne pouvez pas acheter vos fruits et légumes bio, privilégiez tout de même une alimentation végétale. Elle sera toujours préférable à des produits gras, salés, sucrés voire ultra-transformés, bien plus néfastes pour la santé que des fruits et légumes issus de l'agriculture conventionnelle.
