Agressions sexuelles : quelles conséquences psychologiques sur les enfants ?

En cas d'agression sexuelles, les conséquences peuvent être extrêmement graves et différentes selon les victimes.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Pour l’enfant, l’effraction est complexe, puisqu’il peut être totalement ignorant de ce que représente les relations sexuelles, tout en ayant des théories sur la question. À 4 ans par exemple, même si on lui a bien expliqué que les bébés ne naissent pas dans les choux ou les roses, il peut garder, et ce encore en 2020, une image fantaisiste des rapports sexuels comme une scène de "câlins plus forts avec les yeux dans les yeux" ou de "baisers très longs".

Quand un adulte qu’ils aiment, avec la naïveté que renferme l’amour œdipien, les amène sans violence, en les valorisant beaucoup, vers une fellation par exemple, ils peuvent être surpris, dégoûtés, mais bien pire, alors qu’ils ne ressentent pas de douleur, ils peuvent ressentir un certain plaisir à être "grands" et à "réussir à faire ça".

Il faut imaginer que les circuits du plaisir sont chez eux en quelque sorte "devancés", "forcés" dans leur construction, au sens presque électrique du terme. Une telle expérience devient le modèle de ce qu’ils doivent ressentir pour vibrer, ce qui déstabilise toute l’articulation habituellement progressive de leurs ressentis : désirs/interdits, corps/émotions etc...

Une perception de l'adulte bouleversée

La différence des générations, ne fait plus sens pour eux. Lorsque l'adulte les replace avec bienveillance, sans humiliation, mais avec fermeté, à leur place d’enfant ("Je t’aime aussi tu sais, mais comme un enfant car tu es un enfant, avec un corps d’enfant, et je ne peux donc t’aimer comme un adulte"), il les aide à entrer dans un processus douloureux, frustrant, mais salvateur, qui les pousse à grandir, à s’ouvrir au monde, en assumant le chemin qu’ils ont à parcourir sans "botte de sept lieux".

Les adultes qui eux, les amènent dans leur monde sexuel, en revanche, pervertissent réellement leur capacité à tricoter tous les fils de leur vie .

Une "enfance volée"

Ces enfants ne pourront par exemple pas se satisfaire vraiment des relations avec les jeunes de leur âge, les trouvant fades et sans intérêt. Ils pourront se refermer sur eux-mêmes, en devenant trop "sérieux", voire véritablement "déprimés", sentant bien que ce qu’ils vivent n’est "pas normal, pas comme tout le monde", même s’ils ne veulent pas forcément que ça s’arrête.

Ils pourront aussi ne se plaire qu’avec des adultes. Ils rateront alors des expériences de vie de petits, cette fameuse "insouciance" des enfants qui leur permet d’engranger des souvenirs légers, véritables bases pour "se faire son petit cinéma interne" quand on rencontre des difficultés de vie.

Ces enfants abusés disent d'ailleurs souvent que leur abuseur "leur a volé leur enfance". Si certains ne peuvent articuler correctement leurs pensées, et sombrent scolairement, d’autres au contraire investissent à fond les apprentissages, ce qui les protège de questions internes plus complexes.

Ils sont alors valorisés par les adultes autour d’eux pour cela, ils satisfont leurs parents, ce qui amenuise leur culpabilité ou leur honte de fond. Ils peuvent alors s’organiser en "faux self" c’est-à-dire comme des sortes de caméléons qui font toujours ce qu’on attend d’eux.

Ils sont parfaitement intégrés mais ne savent pas vraiment "qui ils sont" et l’adolescence devient alors généralement une période particulièrement compliquée pour eux : crises d’angoisse, questions existentielles pouvant amener à des tentatives de suicide incomprises par tous puisque "tout va bien" apparemment, des moments de dépression intense "sans contenu, sans raison". 

Conséquences sur le développement psychique de l’enfant

Ces conséquences sont-elles proportionnelles à la nature de l’acte ? Autrement dit, une caresse va-t-elle avoir des conséquences équivalentes à un acte sexuel ? Difficile de répondre très clairement sur un plan psychologique à cette question.

Selon la loi : une pénétration, qu’elle soit génitale, anale ou buccale est un crime, une caresse est qualifiée d’attouchement et n’entre pas dans les mêmes cadres légaux. Ce qui est par contre certain c’est que la violence de l’acte et la douleur qui lui est associée renforce nettement les séquelles à la fois psychiques et physiques. 

Les "rencontres" à l'adolescence

Rencontrer à l’adolescence un personnage qui vous séduit, et vous emprisonne dans des discours "pseudo- poétiques" ("Je vais t’apprendre l’amour", "Je ne te ferai jamais mal", "Notre amour est d’une pureté incroyable"), tout en vous montrant que vous êtes mieux que tous les adultes de son âge, vous donne des ailes.

Si vous manquez un peu de confiance en vous, si vos remparts ou vos repères familiaux sont fragiles, vous plongez à fond avec délice et volupté, dans cette histoire, en court-circuitant les conflits développementaux propres à l’adolescence.

Vous vous sentez tout puissant, vous êtes aveugle au fait que votre partenaire vous manipule comme un pantin, vous n’êtes pas pour lui un être digne de droit, mais une proie qu’il a placée sous emprise. Vous mettrez bien des années, comme pour Vanessa Springora qui a mis du temps à écrire son livre, à s'extraire de son chaos.

Si on vous montre la réalité, vous criez à l’injustice et au mensonge. Et même si parfois quelques bribes de vérité sonnent à vos oreilles, vous les éloignez très vite comme dans un syndrome de Stockholm. 

Le syndrome de Stockholm

Plus l’adulte vous chante sa chanson, plus vous éloignez le travail de séparation et d’individuation que vous devez faire par rapport à vos parents pour construire avec eux une nouvelle relation, plus vous dédaignez les adolescents de votre âge qu’il faudrait imaginer séduire avec la crainte qu’ils vous refusent, persuadé de grandir en accéléré.

Sans conscience du danger, vous vous répétez : "S’il m’aime, lui, ce personnage "extra-ordinaire", c’est donc que je suis quelqu’un, c’est tout, et ceux qui ne me comprennent pas ou l’accusent lui, sont des jaloux". 

Cette volupté détruit votre capacité à dire non, vous enchaîne à une certaine sorte de répétition, et vous empêche de devenir ce que vous êtes…sans aide, difficile d’éloigner cette image qu’on a plaquée puis tatouée sur votre peau, pour reconstruire le chemin qui vous amène vers ce que vous êtes vraiment.