Que deviennent nos eaux usées ? Plongée dans le réseau des égouts

Chaque jour, les égoutiers travaillent sous terre pour entretenir et réparer nos égouts. Entre gaz toxique, bactéries, rats, et objets insolites, ils nous font découvrir le réseau souterrain au coeur de leur métier.

Anne-Laure Jean
Rédigé le
Egoutier : Un métier à risque
Egoutier : Un métier à risque  —  Le Mag de la Santé - France 5

À l'air libre, les passants vaquent à leurs occupations quotidiennes. Pendant ce temps-là, sous leurs pas, des travailleurs de l’ombre œuvrent pour leur tranquillité : les égoutiers.

Où part l'eau de nos toilettes ?

"Les gens ne se rendent pas compte en tirant la chasse d’eau de la suite qui est donnée à ça. C'est vrai, nous sommes les pompiers de l’assainissement. On intervient en urgence pour résoudre des problèmes", explique Albert Briand, égoutier à Rennes métropole.

Albert est chef d’équipe des égoutiers de la ville de Rennes depuis 2009. Il connaît par cœur les galeries souterraines de sa ville ainsi que leurs dangers. Comme tous les égoutiers, il a reçu une formation pour travailler en sécurité en milieu confiné.

Gaz toxique, rats, virus et bactéries

La première règle est de ne jamais descendre dans des égouts non ventilés."On va mettre un ventilateur pour donner de l’air frais dans le réseau et enlever tout ce qui est toxique. L’exposition aux gaz toxiques est l’un des risques majeurs de notre métier, on peut être surpris de tomber sur une poche de gaz. Donc on est tous équipés d’un détecteur de gaz", poursuit Albert Briand.

Le gaz le plus redouté des égoutiers est le sulfure d’hydrogène, ou le H2S, reconnaissable à son odeur d’œuf pourri."Le H2S est un gaz qui est généré dans les égouts par des bactéries qui dégradent les sulfates, qui font de l'hydrogène sulfuré. Ce gaz a une propriété tout à fait particulière, il est toxique à très haute concentration, on meurt quand on le respire. Il y en a plein dans les égouts parce qu'il y a de la matière fécale dans tout l’égout", commente le Dr Claude Danglot, médecin biologiste.

Albert et son équipe arpentent les entrailles de la ville huit heures par jour pour entretenir le réseau. Ils avancent courbés, dans la pénombre, sont exposés aux bruits, parfois aux rats, mais surtout aux virus et autres bactéries contenues dans les eaux usées.

Les lingettes, le pire ennemi des égoutiers

Pour limiter les accidents, leur meilleur atout est le travail d’équipe."La personne qui est à l’extérieur s'appelle le garde tampon, elle est très importante. Elle surveille tout ce qui se passe autour des trous ouverts. Elle surveille aussi la météo. S’il y a un risque de pluie ou d’orage... L’orage peut être à quelques kilomètres, les affluents arrivent d’un coup, il y a un risque de noyade", confie Albert Briand.

Les égoutiers ont été alertés par un restaurateur, ses canalisations sont bouchées. "C’est souvent les restaurants qui appellent, des bouchons de graisse ou des lingettes se forment et se coincent. Elles sont le pire ennemi, ça se colmate et ça bouche. Il peut arriver aussi qu’on trouve des téléphones portables, des cartes de crédit, des papiers d’identité", poursuit Albert Briand.

"J'aime mon métier"

Ces égoutiers sont payés au SMIC et reçoivent une prime de pénibilité de 100 euros. Ils sont suivis par la médecine du travail, mais pas plus qu’un autre salarié. La seule obligation est d'être vacciné contre la leptospirose, une maladie transmise par l'urine d'animaux infectés, comme les rats."Contrairement à ce qu’on pourrait penser, j’aime mon métier. Forcément égoutier, ce n'est pas une vocation, on tombe dedans par hasard, mais j’aime bien ce que je fais. C'est valorisant d’aider un particulier. C’est un métier de service public", explique David Coqueux, égoutier à Rennes Métropole.

Aujourd’hui encore, beaucoup d’inconnus demeurent en ce qui concerne la santé des égoutiers. Ils sont quelques centaines seulement en France. une petite cohorte, difficile à étudier. Selon l'INRS, chargé de prévenir les accidents du travail, leur surmortalité est, en tout cas, avérée.