Passer la nuit sur un brancard augmente le risque de mortalité aux urgences

Attendre une nuit sur un brancard dans un couloir aux urgences augmente le risque de mourir à l'hôpital et celui de déclarer une complication, selon une nouvelle étude française.

La rédaction d'Allo Docteurs avec AFP
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Les risques d'une nuit passée sur un brancard
Les risques d'une nuit passée sur un brancard  —  Le Mag de la Santé - France 5

Les images de patients entreposés sur des brancards dans les couloirs des hôpitaux français circulent régulièrement sur les réseaux sociaux. S'il était déjà connu qu'une telle attente représentait une perte de chance pour ces patients, une nouvelle étude de l'AP-HP, de l'Inserm et de Sorbonne Université publiée le 6 novembre dans la revue Jama Internal Medicine. montre que ces conditions augmentent le risque de mortalité.

Un risque de 15% de mourir à l'hôpital

Résultat de cette étude : pour un patient de plus de 75 ans, passer une nuit sur un brancard aux urgences "augmente de près de 40% le risque de mortalité hospitalière". Ainsi, lorsqu'un patient âgé passe la nuit sur un brancard, le risque qu'il meure à l'hôpital passe de 11,1% à 15,7%, selon cette étude baptisée "No bed Night" (nuit sans lit), réalisée du 12 au 14 décembre 2022 dans 97 services d’accueil des urgences en France, incluant 1 598 patients de plus de 75 ans.

Parmi les patients avec un niveau d'autonomie limité et nécessitant une assistance au quotidien, cette nuit "augmente de près de deux fois le risque de mortalité", précise un communiqué de l'AP-HP.

"C'est des choses qui étaient suggérées, pressenties, mais on a aujourd'hui démontré qu'il y a une vraie association. Ne pas hospitaliser un patient, c'est comme ne pas donner un médicament qui aurait un effet très bénéfique, lui refuser un traitement", a commenté auprès de l'AFP le Pr Yonathan Freund, l'un des deux urgentistes ayant coordonné l'étude.

Infections, chutes, escarres...

L'étude montre aussi un risque plus élevé de complications : "plus de chutes, plus d'infections nosocomiales ou d'escarres par exemple". "Si tous les patients de cette étude avaient pu être hospitalisés avant la nuit, on aurait évité 3% des décès", a-t-il relevé.

Selon le Pr Freund, le modèle statistique utilisé prend en compte les comorbidités, l'âge et l'état de gravité initiale des patients et permet ainsi de "comparer deux patients exactement équivalents". Les facteurs pouvant expliquer cette surmortalité, "c'est par exemple le fait de ne pas dormir, ne pas avoir le suivi suffisant, car le service est surchargé, ou ne pas avoir toujours le traitement à temps", a-t-il expliqué.

Objectif "zéro lits brancards"

En décembre 2022, au moment où s'est déroulée l'étude, les services d'urgences subissaient "une augmentation considérable du nombre de patients à hospitaliser en urgence" en raison notamment d'une "triple épidémie concomitante : Covid-19, grippe, et virus respiratoire syncitial (VRS) (responsable de la bronchiolite, ndlr)", rappelle l'AP-HP. La situation a été "aggravée par une diminution du nombre de lits disponibles en aval du fait d’une pénurie de personnels". 

"Des mesures doivent être prises", conclut l'AP-HP, et "l’objectif de « zéro lits brancards » aux urgences, en particulier pour les patients de plus de 75 ans, doit être considéré comme un objectif de santé publique".