Le nombre d’enfants dormant dans la rue en France explose

Plus de 500 enfants et leurs familles dorment dehors chaque soir à Paris. Des associations réclament l’ouverture immédiate de milliers de places d’hébergement d’urgence. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Chaque matin, plus de 80 familles viennent dans ce centre d’accueil de jour d’Emmaüs Solidarité à Paris pour trouver un peu d’écoute et de réconfort. De quoi manger, rester propre, mais aussi un espace pour que les enfants puissent jouer.  

Ces familles ont enfin quelques heures de répit,  comme l’explique Samia Abdi, coordonnatrice sociale : « Aujourd’hui en moyenne, le nombre de mois à la rue a doublé, on est passé de 3 à 6 mois en moyenne cette année. Du coup les familles arrivent avec un état physique et psychique qui se dégrade de plus en plus.

On essaye de répondre aux besoins primaires : manger, se laver, et on fait tout pour que les enfants puissent reprendre leurs places d’enfants en jouant. Ensuite, il y a tout une bataille derrière pour les ouvertures de droits. Ne serait-ce qu’avoir une domiciliation c’est compliqué aujourd’hui, scolariser les enfants aussi. » 

De nombreuses mères célibataires

La plupart des familles qui viennent au centre sont des familles mono-parentales. Comme Rachel arrivée du Cameroun il y a plus d’un an. Elle a accouché de sa fille, il y a 2 mois. Pour l’instant, cette jeune maman arrive à dormir dans des salles ouvertes dans les hôpitaux. Chaque jour, Rachel appelle le 115 pendant des heures, sans succès. 

Elle désespère : « Dès fois l’enfant tousse, l’enfant fait ce genre de choses, tu te mets à pleurer toute seule parce que tu vois ton bébé en train de souffrir, tu te dis : jusqu'où ça va aller ? Pour la petite, comment envisager son avenir ? Là je ne sais pas, c’est la partie qui m’écœure. Je ne sais pas quand tout ça va s’arrêter. Quand j’appelle le 115, ils nourrissent l’espoir et ils te disent que ça va se terminer. Mais voilà là c’est déjà l’hiver, tu ne manges pas, tu marches avec l’enfant, il y a la pluie et tout. C’est difficile vraiment.” 

Un simple rhume devient une bronchite

La sous-alimentation, le froid, mais aussi les problèmes dermatologiques liés au manque d’hygiène. Ces familles doivent constamment se battre pour garder leurs enfants en bonne santé.

Monika Menant est infirmière puéricultrice pour la PMI hors les murs et rend visite aux différentes structures d’accueil pour s’occuper des enfants. Selon elle, ces enfants sont particulièrement fragiles : “Quand on est en situation d’errance, un simple rhume peut devenir compliqué à traiter. On n’a pas le thermomètre pour surveiller la température, quand on n’a pas accès à un médecin, ou tout simplement qu’on n’a pas les moyens d’acheter du sérum physiologique pour soigner ce rhume, acheter des mouchoirs…tout devient compliqué. Le simple rhume peut devenir une bronchite, or, initialement c’était un simple rhume.” 

A la rue malgré un emploi

Désormais, devenir sans-abri touche aussi de plus en plus de parents qui travaillent. Paul, qui préfère rester anonyme, est intérimaire dans le secteur de la logistique. Mais plusieurs accidents de la vie l’ont fragilisé. Il doit aujourd’hui dormir dehors avec ses deux enfants de 7 et 9 ans.

Leur quotidien est éprouvant: « Je nous prends l’hôtel un jour sur deux, pour qu’on puisse être au chaud, prendre une douche, pour que les enfants aient un petit peu de télé, un petit plaisir au moins, parce que le reste du temps on est dans la voiture. Les premiers temps pour eux ça a été assez drôle parce qu’ils sont déconnectés de cette situation, pour eux c’est l’aventure de dormir un soir dans la voiture, un soir à l’hôtel. Là au bout de 2 mois, ils sont épuisés et je sens que le grand il n’en peut plus, il veut que les choses se stabilisent tout simplement. » 

30 000 enfants sans abri 

Face à cette explosion du nombre d’enfants à la rue, les associations lancent un cri d’alarme. Elles réclament d’urgence l’ouverture de milliers de places d’hébergement, sans attendre la chute des températures. 

Bruno Morel, le Directeur Général d’Emmaüs Solidarité ne comprend pas ce manque de mobilisation : « Il y a quelques années on n’aurait pas accepté de poser notre regard sur un enfant à la rue et là on voit bien qu’il y a une espèce d’habitude qui est en train de se produire et qui est insupportable. On est toujours dans une gestion saisonnière du dispositif, le ministre a annoncé la mobilisation de 14 000 places cet hiver dont à ce jour il y a en aurait 6200 ouvertes et on se dit que c’est les 14 000 places qu’il faut ouvrir tout de suite. » 

Cette situation est loin de ne concerner que Paris, toutes les grandes villes sont touchées. D’après les associations, plus de 30 000 enfants seraient aujourd’hui sans abri en France.