Champignons, LSD, kétamine... ces traitements étonnants contre la dépression

La dépression reste une maladie mystérieuse, aussi bien dans sa compréhension que dans sa prise en charge. De nouvelles molécules émergent, telles que la kétamine et les psychédéliques. Décryptage.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Un spray de kétamine prescrit contre la dépression
Un spray de kétamine prescrit contre la dépression  —  Shutterstock

Alors que la dépression touche une personne sur 5, les antidépresseurs ne fonctionnent que chez 55 à 65% des patients. Et ils n'amélioreraient pas à long terme la qualité de vie des patients, d'après une étude publiée en 2022. Mêmes les mécanismes de la dépression restent obscurs, la théorie d'un déséquilibre chimique à l'origine de la dépression ayant été battue en brèche par une étude. 

"Cet article a bouleversé notre vision, s'exclame le Dr Guillaume Fond, psychiatre, spécialiste au centre expert traitant les dépressions ne répondant pas aux antidépresseurs, chercheur, enseignant, auteur et conférencier. Il n'y a pas une dépression mais plusieurs, avec des causes différentes, dont le déficit en sérotonine".   

Dans ce contexte complexe, la dépression nécessite de nouvelles approches, comme la kétamine, déjà prescrite, et les psychédéliques.    

La kétamine, déjà autorisée en spray

La kétamine a été autorisée fin 2020 dans la dépression, sous la forme d'un spray d'eskétamine donné à l'hôpital. Initialement utilisée en médecine vétérinaire, elle n'en est pas à sa première utilisation médicale puisqu'elle est utilisée comme anesthésique et est déjà prescrite en deuxième intention, dans les douleurs réfractaires.     

"La kétamine agit beaucoup plus vite qu'un antidépresseur et on sait tout de suite si elle fonctionne ou pas, confirme le Dr Guillaume Fond. Il n'y a pas de risque d'addiction, les effets secondaires sont bénins et transitoires."  Mais les autorités sanitaires craindraient que l'usage soit détourné à des fins récréatives, avec un risque de bad trip.

Aucun risque de détournement

"Ce n'est pas vrai pour les doses administrées en psychiatrie, très inférieures à celles engendrant des risques, rassure catégoriquement le Dr Fond. Son utilisation est très encadrée avec une surveillance de 3 heures, une prescription sur ordonnance sécurisée et une délivrance hospitalière. L'administration se fait en spray à l'hôpital. C'est donc impossible pour les patients de détourner la kétamine. Mais les procédures sont tellement lourdes que cela limite la diffusion de ce traitement."   

Ce que regrette vivement le psychiatre puisqu'en février 2022, une étude publiée dans le British Medical Journal, montrait une efficacité dans les idées suicidaires, avec et sans dépression.  

kétamine et dépression Jimmy
kétamine et dépression Jimmy  —  Le Mag de la Santé - France 5

Psychédéliques : des effets prometteurs à confirmer

Cactus à mescaline, plante iboga, ayahuasca et LSD, ces psychédéliques font aussi l'objet d'un intérêt accru dans la dépression résistante aux traitements classiques.   

"De façon logique, on s'est tourné vers des substances dont on savait qu'elle avaient des effets sur le cerveau, même si les gens s'en servaient à des fins récréatives, explique le Dr Fond. Mais les psychédéliques véhiculent un imaginaire particulier avec les hippies et Woodstock. Ils sont vus comme dangereux ou transgressifs."   

Pourtant les études se multiplient, en particulier sur la psilocybine, un composé chimique présent dans les champignons hallucinogènes, et l'ayahuasca (source : The Lancet ).   

Zoom sur la psilocybine, l'ayahuasca et le LSD

"Presque tous les psychiatres traitant la dépression attendent la psilocybine ! s'exclame le Dr Fond. Deux essais randomisés, publiés dans le New England et le JAMA, ont montré son efficacité. Mais en France, nous subissons une réglementation probablement trop stricte alors que d'autres pays comme la Suisse, sont beaucoup plus en avance. Nous attendons donc une décision politique et la possibilité de la prescrire..." 

En 2022, un nouvel essai de phase 2 a confirmé son efficacité et des études de phase 3 doivent débuter afin de vérifier l'efficacité sur le long terme et l'absence d'effets secondaires graves. Le LSD fait aussi l'objet d'études. Quant à la mescaline, fameuse pour les changements de perception qu'elle induit, elle pourrait améliorer la dépression et l'anxiété, un effet évidemment à confirmer par des études rigoureuses.     

"D'une façon générale, ni les psychiatres ni les patients n'ont de barrière vis-à-vis des psychédéliques tant que l'indication et l'efficacité sont étayées par des études, conclut Guillaume Fond. Nous attendons des travaux de plus grande envergure mais nous devrions déjà pouvoir les utiliser au vu de leur rapport bénéfices/risques."