La sodomie, le dernier tabou sexuel ?

Prônée par les Grecs au titre de l'éducation sexuelle, interdite par la plupart des religions, largement abordée dans les magazines, la sodomie reste une pratique minoritaire. Mais elle intrigue de plus en plus : un tiers des Français* l'auraient déjà essayée . Qu'en est-il du risque médical ? Comment pratiquer une sodomie sans complications ? Le point.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
La sodomie, le dernier tabou sexuel ?

La sodomie, un puissant fantasme ?

La sodomie correspond à la pénétration du pénis dans l'anus du ou de la partenaire.

47% des hommes et 37% des femmes ont déjà fait l'expérience de la sodomie, mais elle reste toutefois une pratique minoritaire, qui n'est pas intégrée dans la sexualité ordinaire des couples. 12% des femmes âgées de 25 à 49 ans la pratiquent souvent ou occasionnellement, tandis que les hommes de 20 à 49 ans sont entre 15 et 18% à réaliser régulièrement une sodomie*.

Mais la sexualité anale ne se limite pas à cette seule pratique : elle comporte aussi des attouchements, des lavements érotiques, l'introduction d'un doigt, de la langue (anulingus), d'un sextoy. Elle est parfois plus traumatisante lorsqu'un poing  ("fist-fornication") ou un corps étranger sont utilisés, ces deux pratiques pouvant être dangereuses, contrairement aux précédentes.

Sur le plan anatomique, la peau entourant l'anus est très sensible ; l'anus est richement vascularisé et innervé, c'est aussi un canal plus serré que le vagin, ce que peuvent apprécier les hétérosexuels. Cette richesse explique pourquoi l'anus peut être une zone érogène importante. L'anus n'est pas lubrifié naturellement, ce qui signifie qu'un lubrifiant est vivement recommandé.

A lire aussi : Sexualité féminine, prendre du plaisir lors d'une sodomie

Un fantasme stimulant

La sodomie est un fantasme puissant chez certains hommes, quis parlent d'explorations sulfureuses du corps, de plaisirs érotiques intenses et de possession totale de leur partenaire... D'autres évoquent simplement un plaisir différent du fait de l'étroitesse de l'anus, et une pratique ayant sa place dans une sexualité variée. Le pouvoir fantasmatique de la pratique se révèle énorme, du fait de siècles d'interdits, d'une volonté de domination absolue ou parfois de l'assimilation (à tort) à la sexualité homosexuelle.

Tous les hommes ne rêvent pas pour autant de sodomie car elle fait l'objet de réticence du fait de la finalité première de l'anus : exonérer les selles. L'association du plaisir aux excréments n''est alors pas évidente, voire totalement impossible et taboue...

Quant aux femmes, elles sont nombreuses à partager ces réticences et considèrent la sodomie comme défendue, ou elles redoutent la douleur de la pénétration anale. De plus, elle est parfois vécue comme une  véritable humiliation et un interdit majeur.

* Les chiffres sont tirés de l'enquête Contexte de la sexualité en France, réalisée en 2006 par l'INSERM et l'INED.

Un mot d'origine biblique...

C'est la ville de Sodome qui est à l'origine du terme "sodomie", et qui fut détruite par Dieu en représailles de ses meurs dépravées. Il n'est pourtant pas fait directement allusion au coît anal dans le texte religieux et la sodomie a longtemps désigné un ensemble de pratiques sexuelles réprouvées, ne se limitant pas à la pénétration anale.

Quelles sont les répercussions médicales de la sodomie ?

La sodomie ne lèse pas le sphincter anal et n'a pas de répercussion sur la continence lorsqu'elle est pratiquée de façon consentie et non traumatique, avec une bonne lubrification et suffisamment d'excitation pour que le sphincter soit relâché. Dans ces conditions, elle n'entraîne pas non plus de douleur.

En revanche, la fist-fornication et l'introduction de corps étrangers présentent des risques bien réels de douleurs anales, de lésion du sphincter et de continence anale, tout comme un rapport anal non consenti ou avec une lubrification insuffisante.

Ces pratiques peuvent entraîner des érosions de la muqueuse, des irritations, des contusions, des déchirures de l'anus et du rectum, ainsi qu'une incontinence. Un objet étranger peut s'enclaver dans le rectum ou plus en loin, dans l'intestin, avec des risques de perforation et d'infection.

La sexualité anale n'est pas non plus exempte du risque d'infections sexuellement transmissibles. C'est même la zone qui a le risque le plus élevé car la muqueuse va être micro-lésée par la pénétration. VIH, papillomavirus,gonocoques, herpès, syphilis… tous les germes responsables d'IST sont potentiellement transmissibles par la sodomie. Le préservatif s'impose donc avec des partenaires occasionnels multiples ou un nouveau partenaire, de préférence un préservatif plus épais que le préservatif utilisé dans la pénétration vaginale. Bien évidemment, on change de préservatif si une pénétration vaginale est réalisée après, pour ne pas véhiculer les germes fécaux contenus dans les selles.

La sodomie n'entraîne pas l'apparition d'hémorroïdes. En revanche, elle n'est pas indiquée en cas de crise hémorroïdaire et elle peut favoriser les symptômes des hémorroïdes si la maladie est développée. Elle peut alors entraîner des douleurs anales. Elle n'est pas non plus conseillée en cas de fissure anale non cicatrisée, puisqu'elle majorera la douleur.

Quid du lavement ?

Certains n'hésitent pas à réaliser un lavement pour être certain qu'un peu de selles ne souille le pénis. Cela peut rassurer ceux qui redoutent avant tout la "saleté" ! Mais c'est un geste à réaliser occasionnellement du fait de son caractère irritant pour les intestins et parce qu'il risque de perturber la flore intestinale s'il est utilisé souvent.

Des questions parfois gênantes…

La réalisation d'une nouvelle pratique sexuelle est censée être un moment d'excitation et d'intimité partagées mais cela passe par une condition incontournable, que les deux en aient vraiment envie. La communication permet le partage du fantasme et des envies d'une part, des craintes ou des doutes de l'autre. Elle dresse surtout un pont entre les deux partenaires.

Je ne sais pas comment proposer à ma femme une sodomie…

Alors la question ne se pose pas entre le dessert et le café, comme un cheveu sur la soupe ! On  en parle plutôt quand on évoque ses fantasmes ou ce que l'on aurait envie de faire. Testez le terrain en partant d'un article que vous avez lu par exemple : "si j'avais envie d'essayer la sodomie, qu'est-ce que tu en penserais ?". Et si la réponse est négative, ne mettez pas de pression, ouvrez le dialogue pour comprendre les raisons du refus et rassurez la partenaire : la sexualité peut être riche et épanouissante sans sodomie ! Si le ou la partenaire se sent obligée d'accepter ou le fait uniquement pour "faire plaisir", c'est le meilleur moyen qu'il le vive mal ou que cela se passe mal.

Mon partenaire veut me sodomiser, je ne veux pas…

Il ne faut surtout pas vous forcer ! Chaque partenaire doit respecter les envies et les tabous de l'autre, en sachant que les envies vont et viennent, qu'elles évoluent.  Il est toujours possible de rester dans le dialogue et de laisser une porte ouverte avec un "je vais réfléchir mais pour le moment, je ne le souhaite pas". Essayez de comprendre pourquoi il en a envie : est-ce un fantasme ou une curiosité ? Qu'en attend-t-il : plus de plaisir pour lui, pour vous ?  Ecoutez ses réponses et faites-lui part de vos freins et de vos craintes : l'interdit, la sensation d'humiliation, la douleur, la saleté (dans ce cas-là, intégrez un bain aux jeux érotiques, comme dans le Kama-Sutra où il est conseillé de laver son partenaire), etc.

J'ai peur d'avoir mal…

La douleur survient lorsque l'anus est contracté, insuffisamment lubrifié et dilaté. L'anus s'apprivoise, à l'aide de caresses avec la langue et les doigts, et de douceur : le partenaire doit prendre son temps pour amadouer les sphincters et ne pas forcer la pénétration. L'utilisation de lubrifiant, compatible avec le préservatif, est vivement conseillée et il doit être appliqué au niveau de l'anus et du pénis sans lésiner sur la dose, et au niveau du préservatif : l'excès est mieux que le manque dans ce domaine. Si une douleur survient, le partenaire doit arrêter la pénétration et essayer une autre fois si les deux partenaires en ont envie mais si la douleur persiste après plusieurs essais, malgré la douceur et l'envie, c'est qu'une raison anatomique est sans doute en cause ou que ce n'est pas le bon moment. Autant passer à une autre pratique…

La confiance, primordiale

La confiance est la clé d'une sodomie réussie. Celui ou celle qui reçoit le pénis doit être certain qu'il sera écouté et que la pénétration sera interrompue dès qu'il le demandera.