Le libertinage : l'envie de libertés sexuelles

Le libertinage semble s'être démocratisé et toucher de plus en plus de gens. Quelle est sa place aujourd'hui dans une société qui a connu la révolution sexuelle ? Quels sont ses pratiques et ses dangers ? Plongée dans un univers qui fascine et effraie tout à la fois.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le
Le libertinage : l'envie de libertés sexuelles

Qu'est-ce que le libertinage ?

Le mot est issu du latin libertinus qui signifie "affranchi". Par glissement de sens, dès le début du XVIIème siècle, il désigne un épicurien. À cette époque, le libertinage moral aux mœurs légères côtoie le libertinage philosophique des libres penseurs. Les deux partagent le goût de la provocation et sont choquants pour l'époque. Le libertin moral est un aristocrate débauché, refusant d'adhérer aux valeurs morales en vigueur. Avec en chef de file, les rois et leurs nombreuses maîtresses, affichées sans complexe à la cour. Un langage fleuri et provocant est utilisé afin de séduire : le verbe est une arme pour s'amuser et séduire. Les jeux érotiques et le plaisir sont les buts avoués de ce courant hédoniste.

À l'heure actuelle, on qualifie de libertin quelqu'un qui a des moeurs libres. Aujourd'hui, il s'agit le plus souvent de s'adonner aux plaisirs de la chair en dehors d'une relation monogame, en présence ou pas de son/sa partenaire. Il refuse les normes de la sexualité conventionnelle et s'adonne au mélangisme, à l'échangisme, au triolisme, parfois au bondage ou au sado-masochisme (voir définitions au paragraphe 3).

On s'en doute, dans ce genre de domaines, les statistiques sont difficiles à élaborer ! Et donc à prendre avec des pincettes… La population de libertins se chiffrerait en France entre 200.000 à 400.000 (source : émission de radio "On refait la chose" sur le thème Libertés et libertinage, avec Michel Cymes).

Portrait-robot du libertin du 21ème siècle 

C'est un homme entre 30 et 50 ans, le quadragénaire étant le plus fréquent. Si certaines femmes adhérent vraiment à l'échangisme, les hommes sont plus demandeurs, sans doute fascinés par le fantasme des harems.

Il est issu d'un milieu social plus diversifié car à l'heure actuelle, le courant se démocratise aux différents milieux sociaux et on retrouverait aussi bien des employés que des cadres.

Le libertin a aussi ses codes : la courtoisie est de mise dans un club échangiste et le respect des participants, notamment des femmes, est primordial.

Une conception particulière du couple

Les couples libertins estiment que c'est un moyen de stimuler leur libido, d'associer son partenaire à ses jeux érotiques et de renforcer leur complicité. Si les hommes sont majoritaires dans les clubs échangistes, beaucoup de femmes libertines refusent une étiquette : celle d'être là pour faire plaisir à leur mari non par envie personnelle. Ce qui reste tout de même un risque majeur... La pratique peut être un véritable choc ou une découverte agréable, cela dépend des goûts. Il peut être aussi éprouvant de voir son partenaire prendre du plaisir avec un ou une autre et alors détester cela. Certains hommes, alors même qu'ils sont à l'initiative de l'échangisme, peuvent développer des troubles de l'érection en voyant leur femme jouir avec un autre homme.

L'échangisme : fantasme ou réalité ?

L'échangisme qualifie des relations sexuelles à deux ou plusieurs couples.

7% des Français auraient déjà pratiqué au moins une fois l'échangisme, selon un sondage IFOP sur le thème les Français et l'échangisme, réalisé pour un site libertin en 2010.

Il y aurait au moins un club échangiste par département mais d'après un article de Libération.fr, certains départements semblent plus libérés que d'autres : Paris et la Côte-d'Azur caracoleraient en tête des endroits libertins, avec surtout des clubs intérieurs pour la Capitale et des lieux extérieurs, fréquentés par les plaisanciers pour le Sud. Ah l'amour sur la plage… il a toujours stimulé les fantasmes.

Un phénomène qui prend de l'ampleur ?

L'échangisme reste-t-il un fantasme ou le nombre de ses adeptes augmente-t-il ?

Il aurait débuté à la fin de la première Guerre Mondiale, au moment des années folles. Les années 50 voient son développement dans l'Amérique où le puritanisme règne et où il sauve le couple libertin du mensonge de l'adultère. Autant se tromper en toute transparence et ensemble ! Le sida découvert dans les années 80 y met un frein mais il retrouve de la vigueur depuis quelques temps. Clubs, saunas, soirées privées et sites internet échangistes se multiplient. Pourquoi ? La sexualité a perdu son aura sacrée avec la multiplication des divorces et Internet a facilité les rencontres en toute discrétion…  

Mais dans les faits, selon le sondage IFOP, l'échangisme reste l'apanage d'une minorité, qui y trouve occasionnellement l'occasion de booster son couple. Tout en alimentant les fantasmes d'une majorité ? Peut-être… Il est dans tous les cas de moins en tabou et se démocratise : un homme sur trois en couple et 16% des femmes accepteraient un plan à quatre si leur partenaire leur suggérait. Précision intéressante : les femmes le feraient pour leur propre plaisir, et non le plaisir de leur partenaire.

Dernière statistique fournie par le sondage : la durée de l'échangisme serait en moyenne de 6 ou 7 ans. Pourquoi finit-il ? Parce que le couple rompt ? Parce qu'il a besoin d'autre chose pour stimuler son désir ? Toujours est-il qu'il apparaît plus facile de rencontrer un nouveau partenaire qui est également libertin, ce qui peut être le cas dans les soirées échangistes.

Variantes libertines...

Il exacerbe les fantasmes, notamment masculins, et caracole en tête des pratiques sexuelles à plusieurs. 64% des hommes envisageraient ou aimeraient une relation avec le sexe opposé, et 1/10 l'aurait déjà réalisé. Des chiffres qui chutent à 31% et 5% chez les femmes.

En revanche, les envies de partager son lit avec son conjoint et une personne du même sexe que soi sont nettement moindres !

Pour les sondés, le triolisme permettrait non seulement de rompre la routine et de simuler le désir, mais aussi de favoriser la fidélité dans leur couple.

Comme l'échangisme, la pratique n'est pas sans risques : il peut être éprouvant de voir son ou sa partenaire dans les bras d'un ou une autre. Et le risque de surenchère, vers des pratiques toujours plus excitantes et parfois à la limite de la légalité est bien réel.

Le mélangisme est une variante de l'échangisme sans pénétration : seuls des caresses, des baisers, des jeux érotiques sont partagés. L'orgie sexuelle, où exhibitionnisme et voyeurisme se mêlent, prend le sens d'une débauche des sens, avec une sexualité de groupe. Les plus connues sont les bacchanales, fêtes organisées dans l'Antiquité en l'honneur de Bacchus, le dieu romain du vin, caractérisées par la débauche et l'excès. Les orgies restent pratiquées par une minorité actuellement.

Bondage et SM, vers un libertinage plus violent

"Fifty shades of Grey" a donné un coup de projecteur sur le sado-masochisme. Ici, il n'est pas question de rapports à plusieurs mais de rapport de soumission. Un dominé se soumet au bon vouloir du dominant, qui trouve la jouissance en faisant souffrir et en humiliant son "esclave sexuel". Le sado-masochisme fait partie des perversions sexuelles.

Le bondage consiste à attacher quelqu'un au cours d'une relation sexuelle. Initialement, entraver une personne avec des liens ou des tissus faisait partie de jeux érotiques dans l'Antiquité ou au Japon avec le shibari, sans notion d'humiliation ou de souffrance.

Actuellement, il est souvent associé aux pratiques de BDSM (Bondage, Discipline, Sado-Masochisme). Dans ces cas-là, les cordes sont loin d'être l'unique accessoire puisque les corsets, camisoles, accessoires en cuir sont courants afin de ligoter ou d’enfermer et de rendre captif le partenaire (autre définition du terme "bondage").

Certaines précautions sont indispensables afin de ne pas mettre la vie de la personne soumise en danger : ne pas la laisser seule plus de quelques minutes, avoir à proximité une paire de ciseaux de sécurité pour pouvoir la libérer rapidement, vérifier que les clés sont présentes avant de la ligoter à l'aide de menottes.

Les dangers du libertinage

Le risque médical existe, avec la transmission du VIH et d'autres infections sexuellement transmissibles. Le port du préservatif est normalement respecté par les libertins mais il est impératif de l’exiger si ce n’est pas le cas.

Voir sa partenaire prendre du plaisir avec un autre peut provoquer de la jalousie ou un sentiment d’infériorité. Certains hommes, même à l’initiative de l’échangisme, peuvent même développer des troubles de l’érection en voyant leur femme jouir avec un autre homme. Quant aux femmes, celles qui subissent le désir de leur homme et ne participent à l’échangisme que par amour, risquent fort d’être choquées ou dégoûtées. D’autres peuvent y prendre un plaisir insoupçonné, qui peut les éloigner de leur partenaire d’origine.

L’escalade vers le 7ème ciel

La nouveauté nourrit la sexualité de ceux qui s’accommodent mal de la monotonie. Mais entre tester de nouvelles positions ou un sextoy et se lancer dans le SM, il y a un monde… qui ne convient pas à tout le monde, loin de là. Alors il est conseillé de bien réfléchir à ses propres envies et de se renseigner un peu sur le libertinage, avant de sauter le pas.

Attention à l’addiction et à la perversion

Derrière le libertinage, peut également se cacher un besoin de plaisir compulsif, dans le but de soulager une angoisse ou de combler un manque. Ces sex-addicts ne trouvent que peu de plaisir dans leur sexualité fébrile, centrée sur l'assouvissement de leur besoin et non sur le partage et l’érotisme, mamelles d’une sexualité traditionnelle.

Toujours plus de plaisir, toujours plus d’extase !

Cette course à la jouissance a ses limites et flirte avec les perversions sexuelles, comme le sado-masochisme. Un libertin pervers utilise la sexualité comme une arme : il manipule sa victime et la fait souffrir, en lui faisant miroiter le plaisir suprême à travers des pratiques potentiellement dangereuses. Le libertin cherche à assouvir son plaisir, le pervers à avilir sa victime : la limite est parfois floue lorsque l’on se laisse séduire par les sirènes du plaisir.

 

Le libertinage, une névrose ? Notre société axe la sexualité sur l’assouvissement d’une pulsion et non sur une véritable relation entre 2 êtres. A l’adolescence, la pulsion se découvre, en lieu avec l’augmentation des hormones sexuelles. Puis elle se complexifie et se sublime grâce aux sentiments que nous développons pour notre amant ou maîtresse.

Pour certains psychanalystes, le libertin serait ‘coincé’ dans sa pulsion, incapable d’enrichir la relation sexuelle par les sentiments qu’il éprouve. Ils expliquent alors le libertinage comme une peur de perdre l’être qui partage leur lit (et leur cœur). Peur qui est maîtrisée en remplaçant immédiatement cette personne par d’autres : enchaîner les relations sexuelles avec d’autres ne serait finalement qu’un moyen de minimiser la peur de perdre celui que l’on aime.