Comment être une femme libérée aujourd'hui ?

Portrait de la femme libre du 21ème siècle : des avancées sociétales et sexuelles aux freins et aux contradictions…

Dr Charlotte Tourmente
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Rédigé le , mis à jour le
Photo © shimyra - Fotolia.com
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Libérée des conventions et libre sexuellement

Mai 68 avait initié une libération de la sexualité féminine. En parallèle, la pilule l'a fait passer de la procréation à une vie sexuelle axée sur le plaisir. Sur un plan plus psychologique, la généralisation du travail féminin a également contribué à modifier les rapports entre hommes et femmes, en offrant à celles-ci l'indépendance financière. A grand renfort d'articles et de reportage sur le plaisir féminin, les médias participent également à modifier les mentalités. Enfin, les sites de rencontre ont modifié la rencontre amoureuse et sexuelle ; ils offrent en théorie les mêmes possibilités aux femmes qu'aux hommes. Mais le soi-disant sexe faible a-t-il vraiment gagné en liberté ? Etre une femme libérée en 2018 est-il plus facile et accepté qu'avant ? La réponse n'est pas univoque… D'indéniables progrès ont été fait en matière de sexualité et de liberté ; d'un autre côté, les contraintes et les jugements se sont déplacés et l'espace de liberté féminin n'est pas si vaste qu'on l'imagine.

Des avancées bien réelles

Aujourd'hui, une femme n'est plus obligée de choisir entre deux statuts, celui de la femme mariée ou celui de la vieille fille. C'est en soi un véritable progrès, après des siècles de domination masculine, où une femme n'existait que via son mari et la maternité. Elle peut dans la grande majorité des cas demander le divorce et elle hésite moins à le faire qu'un homme. Elle s'assume financièrement, sexuellement et affectivement, même si c'est au prix de difficultés et de contraintes… Dans son couple, elle se bat pour le partage des tâches et elle prône l'égalité d'éducation pour les filles et les garçons (et elle offre sans complexe une dînette au petit dernier qui la réclame). Au 21ème siècle, elle a le droit, voire le devoir, d'être indépendante mais elle rêve aussi du droit de ne pas être en couple, ni avoir d'enfant sans se justifier. Les "child-free", comme s'appellent les Américaines (libres d'enfant), se sentent à la marge de la société, qui les juge égoïstes, voire anormales. Ce droit est encore ardu à conquérir et il représente probablement un tabou considérable à faire tomber….

Vers la liberté sexuelle…

La femme du 21ème siècle est libre d'exprimer sa sexualité et d'aller au bout de ses désirs et ses plaisirs. Elle assume ses moments de désir, comme ceux où elle n'a pas envie, en théorie du moins…  La masturbation féminine étant de plus en plus démocratisée, elle n'hésite pas à se faire jouir quand elle veut, bien souvent en se caressant le clitoris. Ce qu'elle fait aussi durant le rapport, sachant bien que la pénétration ne fait jouir qu'une femme sur 3… Elle n'hésite pas à opter pour les positions qui lui donnent davantage de plaisir.

Bien dans sa tête et dans son corps, la femme libérée vit avec son temps et elle assume une sexualité proche de celle des hommes, avec des histoires sans lendemain, qui font rire ses amies et désespèrent sa famille. Elle n'hésite pas à adopter certains comportements réputés jusque-là masculins : films X, multiplication des partenaires, découverte de nouvelles pratiques sexuelles, etc. Elle joue avec ses fantasmes, femme forte de jour et soumise certaines nuits avec son amant si le cœur lui en dit. Elle badine avec toutes ses fantaisies érotiques, parfois dominante ou pénétrante, d'autres fois docile ou pénétrée. Elle s'amuse, elle vit, elle vibre… Elle aurait tout pour être heureuse et profiter pleinement de sa liberté. Et pourtant….

Le syndrome de la madone et de la putain

Aujourd'hui encore, le syndrome de la madone et de la putain (ou syndrome de la maman et de la putain) fait des ravages. Certains hommes rêvent d'une partenaire libérée sexuellement mais ne l'assument pas forcément dans leur couple officiel. Alors ils optent pour une maîtresse avec qui ils assouvissent leurs fantasmes les plus osés et ils réservent une sexualité routinière avec la mère de leurs enfants. La femme libérée est souvent assimilée à la putain, inconsciemment ou pas. En couple, certains hommes vivent mal la sexualité débridée de leurs femmes. Et en cas de célibat, l'homme qu'elle fréquente n'envisagera pas forcément la femme libre comme une madone, encore moins comme la future mère des leurs enfants. A tort car cela n'a rien à voir…

Les freins à la libération féminine

Pourtant, la liberté a un prix, celui de ne pas coller aux normes véhiculées par la société, celui de la différence jugée et mal acceptée ou encore celui du tabou. La femme célibataire fait encore peur, souvent aux autres femmes en couple craignant la "croqueuse de maris". Si en plus, elle ose ne pas vouloir d'enfant, elle franchit la ligne interdite. Sans les conventions et avec l'évolution des modes de vie et des rencontres, une relation durable est finalement plus difficile à obtenir et à maintenir. 

Des pressions multiples

Les contraintes ont changé de formes : elles sont esthétiques, avec l'impératif de la minceur, du glamour, de la féminité, de l'épilation intégrale. Elles se révèlent sociétales avec la nécessité d'être des femmes performantes sur le plan professionnel, des mamans souriantes et heureuses, des femmes épanouies et disponibles pour leur mari. Les pressions sont aussi sexuelles puisque les dames doivent forcément être des amantes hors pairs, qui s'abandonnent aux soi-disants désirs masculins, qu'il s'agisse de rapports sexuels quotidiens, d'obligation d'orgasme, de sodomie ou autre pratique pas forcément désirée. Les normes sexuelles véhiculées par certains articles imposent de faire au moins 3 fois l'amour par semaine, avec au moins 10 positions différentes, en jouissant à chaque rapport (si possible plusieurs fois car les orgasmes multiples, c'est tout de même beaucoup plus excitant pour un homme - NDLR : remarque très ironique). Les questionnements et la souffrance qui en découlent sont souvent bien réels.

Et si être une femme libérée aujourd'hui, c'était se libérer totalement du regard des autres, de son homme, de la société et être fidèle à ses convictions, quelles qu'elles soient ? S'assumer comme nous sommes vraiment, avec nos corps imparfaits, nos envies excessives ou insuffisantes, nos plaisirs aussi variés ou routiniers soient-ils, notre vision de la vie détachée des conventions... La véritable liberté est avant tout dans la tête ; elle se conquiert difficilement et elle n'est jamais totalement acceptée. C'est sans doute le prix à payer pour être en avance sur son temps et contribuer à faire évoluer les mentalités… et il reste au combien inférieur aux jouissances immenses de la liberté !

 

Et les hommes, dans tout ça ?

Devant tant de bouleversements sociétaux, les hommes ont du mal à trouver leur place face à leurs partenaires et nombreux sont ceux qui se sentent perdus. Sur le plan sexuel, ils commencent à intégrer l'importance du plaisir féminin pour partager à deux une plus grande plénitude. Les femmes rêveraient qu'ils soient forts en étant sensible, virils tout en révélant leur part féminine, qu'ils les laissent indépendantes mais qu'ils soient présents lorsqu'elles en ont besoin. L'homme quant à lui cherche encore à composer entre la virilité et la sensibilité, la force et sa "part féminine", ce qu'il est et ce qu'attend de lui sa partenaire. Le temps et la communication aideront probablement à faire les ajustements qui sont nécessaires à chaque couple, loin des diktats imposés...