Mediator® : le préjudice d'anxiété reconnu pour la première fois par la justice

La prise de Mediator® est à l’origine de nombreux cas de maladies cardiaques graves. Durant plusieurs années, beaucoup de consommateurs se sont demandés si, eux aussi, seraient les victimes de cette molécule. C’est ce préjudice d’anxiété qui a été reconnu ce 28 janvier par la justice, pour 12 plaignants. Le Tribunal de grande instance de Nanterre a débouté 38 autres personnes, "faute de preuves".

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Mediator® : le préjudice d'anxiété reconnu pour la première fois par la justice

Dans trois décisions, les juges des référés du Tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre ont condamné le fabricant, les laboratoires Servier, à payer 1.500 euros de provisions sur indemnisations au titre du préjudice d'anxiété à 12 des 50 plaignants.

Ces douze personnes ont vu leur angoisse reconnue, une première dans le scandale du Mediator®, car elles en ont démontré la "réalité" : "Un suivi médical contraignant dans les deux années suivant" l'arrêt de la prescription du médicament ou de sa commercialisation "et au-delà, au regard du risque qui ne peut être actuellement exclu de développer une hypertension artérielle pulmonaire" (HTAP), justifient les magistrats.

Les 38 autres, dont la demande était fondée sur la "seule crainte de développer une maladie grave", ont été déboutés.

"Une victoire en demi-teinte"

A l'audience, le 8 décembre 2015, chacun avait réclamé 15.000 euros de provisions. Servier avait âprement contesté le bien-fondé de leur action, opposant que le délai de 3 ans pour saisir le juge était prescrit, mais la justice ne l'a pas suivi sur ce point, ni accédé à sa demande d'expertises psychologiques des demandeurs.

"C'est une victoire en demi-teinte, mais quand même une grande victoire", a réagi l'une des avocates des demandeurs, maître Martine Verdier. "Les juges ont dit non" à la prescription opposée par Servier, "c'est essentiel pour toutes les victimes qui pour l'instant n'ont pas engagé de procédure", a-t-elle notamment fait valoir. Quant aux demandeurs déboutés, l'avocate entend "leur conseiller de faire appel" puisque, a-t-elle argumenté, "selon la jurisprudence de la Cour de cassation, aucune preuve de suivi régulier n'est nécessaire".

De leur côté, les laboratoires Servier, mécontents notamment de ne pas avoir été entendus sur la question de la prescription, vont eux aussi "réfléchir à la possibilité de faire appel", selon l'une de ses avocats, maître Nathalie Carrère.

Le "préjudice d'anxiété" a été consacré en 2010 par la Cour de cassation et a donné lieu depuis à de nombreuses indemnisations, notamment pour les victimes de l'amiante.

Le scandale du Mediator, révélé en 2007 par le docteur Irène Frachon, fait l'objet de plusieurs procédures judiciaires civiles, pénales et administratives. Le TGI de Nanterre a reconnu pour la première fois en octobre 2015 la responsabilité civile des laboratoires Servier sur le fondement de la défectuosité du médicament, mais l'affaire doit encore être tranchée en appel.

Utilisé par cinq millions de personnes, l'antidiabétique Mediator®, largement détourné comme coupe-faim pendant plus de 30 ans et retiré du marché français en novembre 2009, est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques (valvulopathies) et de la HTAP, pathologie rare et actuellement incurable. La littérature médicale a établi que le risque de valvulopathie disparaissait deux ans après l'arrêt du traitement, mais une incertitude subsiste pour les HTAP.

Le Mediator pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise judiciaire.