"Ce qui est efficace ce n'est pas le prix mais l'augmentation du prix du paquet"

Le prix du paquet de cigarettes passera à 10 euros d'ici 2020. Cette mesure censée inciter les fumeurs à l'arrêt du tabac sera-t-elle efficace? Les réponses avec le prf Dautzenberg, secrétaire général de l'Alliance contre le tabac.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Entretien avec le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue
Entretien avec le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue

Le principe de l’augmentation avait été acté, le gouvernement précise maintenant le calendrier. L’an prochain, le paquet augmentera de 1 euro. En 2019 et en 2020, les prix grimperont de 50 centimes tous les six mois, pour atteindre 10 euros. 

  • Le paquet à 10 euros, est-ce une mesure efficace ? Qui est visé par cette hausse des prix?

Pr B. Dautzenberg, pneumologue : "On vise surtout les jeunes. Ce qui est efficace, ce n’est pas le prix mais l’augmentation du prix du paquet. La prochaine augmentation de 1 euro va être efficace. On sait que quand on augmente de plus de 10% le prix du tabac, on a une baisse de la consommation. En revanche, ce qui est prévu pour la suite, des petites augmentations de 50 centimes, c’est clairement très peu efficace en terme de santé publique. Pour moins de 10% d’augmentation, on a moins de 3 % de baisse des ventes. C’est juste un moyen d’enrichir les buralistes, les fabricants de cigarettes, l’Etat. La hausse de 1 euro en 2018 c’est très bien. On s’en réjouit car cela va être efficace. Par contre, ce qui est prévu pour la suite, ce n’est pas bien du tout." 

Pr B. Dautzenberg, pneumologue : "L’interdiction de fumer en 2006 a changé complètement l’image du tabac dans la société. Mais, on avait déjà dit au ministre de l’époque que cela ne diminuerait pas la consommation de cigarettes. Face aux paquets neutres, les adolescents ne savent plus quoi acheter. On voit qu’ils achètent plutôt les marques qui étaient connues avant. Mais, ce reflexe va disparaître et s’estomper dans le temps. Il y a un changement d’image du tabac dans la société. On espère donc vraiment que le paquet neutre sera efficace."

  • Que répondez-vous aux inquiétudes des buralistes qui craignent les conséquences sur leur emploi ?

Pr B. Dautzenberg : "Quand on va augmenter de 15% le prix du tabac en mars prochain (les buralistes) vont gagner 15% de plus sur chaque paquet de cigarettes vendu. Ils ont en plus un milliard de subventions grâce à trois plans successifs de financement pour qu'ils se reconvertissent. Pour l'instant ils se mettent le milliard dans la poche et ne se reconvertissent pas. Les gens qui vendaient les appareils photos ont disparu de la planète. Il n’y a plus de photographe dans les rues. Et on ne les a pas indemnisés…Il faudrait qu’ils se bougent. La prochaine augmentation va s’accompagner d’une augmentation de 15% des revenus des buralistes. C’est quand même pas mal !"

  • Pourquoi, malgré la baisse du nombre de fumeurs, y  a-t-il chaque année de plus en plus en morts en France liés au tabac ?

Pr B. Dautzenberg : "Il y a un petit décalage. Mais, si on regarde, par exemple, les gens qui meurent d’un cancer du poumon avant 45 ans, il y en a deux fois moins qu’il y a 15 ans chez les hommes. En revanche, chez les femmes, il y en a trois fois plus. La mortalité des gens jeunes évolue très rapidement avec la consommation du tabac. Un effondrement du tabagisme diminue la mortalité par accident vasculaire cérébrale et infarctus très rapidement dans les années qui suivent. Pour le cancer, il faut 4-5 ans pour que cela se fasse. Pour les bronchites chroniques, c’est plus long. Ça dépend des maladies. Il y a un bénéfice énorme à l’arrêt du tabagisme mais il faut attendre 10-15 ans."