Comment prédire les chutes chez les seniors ?

Les chutes touchent un tiers des seniors de 65 ans et plus au domicile. Comment prévenir et détecter ces chutes, rassurer les familles et réduire le risque de perte d’autonomie ? Le Dr Antoine Piau, gériatre au CHU de Toulouse nous éclaire.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Les nouvelles technologies permettront aux personnes âgées de rester plus longtemps au domicile. Même si beaucoup de personnes travaillent sur les détecteurs de chutes, avec peu de succès pour l’instant, on peut quand même aller plus loin et prédire les chutes avant même qu’elles ne surviennent. 
On a souvent l’impression que la médecine n’a pas grand-chose à proposer aux personnes qui chutent régulièrement mais la réalité est plus complexe. 

Premièrement, de nombreuses interventions ont clairement démontré une efficacité pour casser le cercle infernal chutes/perte d’autonomie :   

Malheureusement, la prévention est mal prise en charge, on préfère attendre, "que ça aille mal" et que ça coûte cher.  

Deuxièmement, les personnes à risque de chutes sont trop nombreuses, on parle en millions. Comme on ne peut pas proposer une prise en charge intensive à vie à des millions de personnes, on fait du saupoudrage inefficace. C’est là que la technologie peut aider, en ciblant les bonnes personnes au bon moment.  

Signes annonciateurs de chutes

On dit classiquement qu’une chute est un événement en apparence brutal mais qu’en réalité il existe des signes. Qu’on soit jeune ou vieux, il n’est pas normal de tomber. Nous avons tous de multiples occasions de tomber dans la journée : trottoir, chien, … mais nous avons des capacités de réactions qui nous permettent d'éviter ces chutes. Quand on tombe dans des circonstances anodines, c’est peut-être qu’il y a un processus sous-jacent qui nous fragilise depuis des semaines et c’est quelque chose qu'on pressent sans arriver à réellement le démontrer.  

Ce processus imperceptible au médecin est mesurable avec des technologies plus sensibles aux signaux faibles.   

Des capteurs de mouvement pour prévenir les chutes

À Portland, dans le plus grand centre de recherche sur la e-santé dans le monde, une étude a permis de mettre des capteurs de mouvement infrarouge (qu'on trouve dans les magasins de bricolage pas cher) au plafond de 200 personnes en bonne santé pendant près de 10 ans, afin de voir si en analysant la manière dont les gens se déplacent chez eux, ont pouvait prédire une chute avant qu’elle ne survienne.  

Il a pu être analysé des choses insensibles à l’œil du médecin comme la vitesse de marche avec une précision 100 fois supérieure à ce que peut évaluer un médecin. Une hypothèse s’est alors confirmée qu'il était possible de repérer les personnes qui allaient chuter plusieurs semaines avant la chute. 
La vitesse de marche diminuait imperceptiblement.  

Impacter le quotidien des médecins et des patients  

Dans notre système de santé très réactif et curatif "on attend le client". Plutôt que de prévenir les chutes, on se contente de prendre en charge ceux qui sont tombés ou on dilue les interventions. Aujourd’hui on vous dit  "Vous êtes à risque de chute", on prescrit un peu de kiné, puis au revoir et revenez quand vous vous serez cassé le col du fémur !  

Si on veut réellement une médecine préventive, on devrait pouvoir cibler non pas les millions de personnes à risque mais les quelques milliers qui vont tomber et leur proposer des interventions très intensives et précoces. Cela permettrait de bien utiliser le peu de ressources dont nous disposons. 

On peut diagnostiquer de façon précoce des chutes

Ce travail ouvre des perspectives pour les mesures en temps réel. Il pourrait être essentiel de déterminer qui, au sein de la population à risque, pourrait subir une modification de son risque de base pour que l'intervention soit plus efficace et plus opportune.

Les algorithmes utilisés et la précision de la mesure ont été rendues publiques et donc accessibles à toutes les entreprises qui veulent s’y intéresser (solutions de suivi d’activités à domicile par des capteurs, patchs, etc.). Les capteurs utilisés sont bon marché et disponibles et des sociétés proposent déjà des solutions qui y ressemblent.  

Conseils de prévention  

  • Si on attend trop longtemps, il peut être trop tard.
  • Il faut intervenir quand les premières chutes "silencieuses" arrivent parce qu’elles altèrent insidieusement l’état de santé de la personne. Elles sont le signe d’une fragilité.
  • Dire aux personnes âgées et à leur entourage : "Si vous tombez dans la vie de tous les jours, même si vous vous relevez seul, même si vous n’avez pas de douleur, ce n’est pas anodin : c’est un signe d’alerte qu’ils ne faut pas négliger. Toute chute est importante".