L'eau potable contaminée par un herbicide, alerte l'Anses

Les eaux souterraines destinées à la consommation humaines contiennent des taux supérieurs aux limites autorisées d'un herbicide, le S-métolachlore. L'Anses a engagé une procédure pour retirer ce produit de la vente.

Mathieu Pourvendier avec AFP
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L'interdiction des principaux usages de ces désherbants ouvrirait un "délai de grâce" permettant la vente des produits pendant encore 6 mois et leur utilisation pendant 12 mois, selon l'Anses
L'interdiction des principaux usages de ces désherbants ouvrirait un "délai de grâce" permettant la vente des produits pendant encore 6 mois et leur utilisation pendant 12 mois, selon l'Anses  —  Shutterstock

Un herbicide dans l'eau du robinet ? L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a annoncé mardi 14 février vouloir interdire les principaux usages du S-métolachlore, un herbicide agricole courant dont les dérivés chimiques ont été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines fournissant de l'eau potable.      

Près de 2000 tonnes par an en France

Avec 1 946 tonnes par an, "le S-métolachlore est l’une des substances actives herbicides les plus utilisées en France", affirme l'Anses, essentiellement dans les cultures du maïs, du tournesol et du soja. Après usage dans les champs, cette substance se dégrade en des dérivés chimiques, des "métabolites", qui se retrouvent dans les sols, les eaux de surface et eaux souterraines.

Récemment, "lors des contrôles des eaux souterraines destinées à la consommation humaine, trois métabolites du S-métolachlore ont été fréquemment détectés à des concentrations dépassant les normes de qualité" fixée par la législation européenne, poursuit l'agence sanitaire.      

Pas d'interdiction sans "délai de grâce"

En conséquence, l'Anses déclare qu'elle "engage la procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S-métolachlore", dont un certain nombre sont commercialisés par Syngenta, le poids lourd allemand du secteur.       

Mais "la décision définitive est en cours", a précisé une porte-parole de l'agence. L'interdiction des principaux usages de ces désherbants ouvrirait un "délai de grâce" permettant la vente des produits pendant encore six mois et leur utilisation pendant 12 mois, selon l'Anses.      

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Des mesures de restriction insuffisantes

Sur ce dossier, l'agence sanitaire est sous pression de l'ONG Générations Futures et d'élus en Bretagne, qui lui avaient reproché cet automne de revoir à la baisse le risque sanitaire du métolachlore-ESA et du métolachlore-NOA, deux métabolites du S-métolachlore.  

Après un rapport non-satisfaisant en 2021, l'Anses avait déjà "introduit des mesures de restriction dans les autorisations de mise sur le marché des produits à base de S-métolachlore, en particulier une réduction des doses maximales d’emploi pour le maïs, le tournesol, le soja et le sorgho". Et "malgré ces mesures de durcissement, les concentrations des trois métabolites du S-Métolachlore sont en situation de dépassement des seuils réglementaires", relève l'Anses.

En France, le plan Ecophyto, révisé en 2018, s'est donné comme objectif de réduire de 50% l'usage des pesticides de synthèse d'ici à 2025. En 2021, hors produits autorisés en bio et solutions de biocontrôle (utilisant des mécanismes naturels), environ 43 000 tonnes de produits phytosanitaires ont été vendues en France, selon des données provisoires du ministère de l'Agriculture, soit 19% en dessous de la moyenne 2012-2017.

Peut-on encore boire l'eau du robinet ?  —  Le Mag de la santé