Fin de vie : "Je fais le deuil de moi-même"

Alors que la convention citoyenne sur la fin de vie va bientôt rendre ses conclusions, Nicolas Menet, 43 ans, atteint d'un cancer du cerveau incurable a voulu témoigner juste avant de mourir.

Karine Nakache
Rédigé le , mis à jour le
Choisir sa fin de vie
Choisir sa fin de vie  —  Le Mag de la Santé - France 5

"Avant de tomber malade, j'avais une vie très remplie, très riche, j'avais beaucoup d'ambition. Peut-être pas assez d'humilité face à la mort et à la maladie. Je n'avais pas conscience en fait que tout pouvait basculer en quelques secondes.

C'est en février 2022 qu'on m'a annoncé le diagnostic de glioblastome, c'est un cancer du cerveau. À l'instant où la neurochirurgienne m'a annoncé le diagnostic, elle a eu cette phrase très importante pour moi et pour toute la suite de mon parcours. Elle a dit "à partir de maintenant votre pronostic vital est engagé. C'est une maladie mortelle et incurable, mais vous avez du temps devant vous trois mois, six mois, peut-être 12 mois, donc profitez de ce temps. C'est grâce à ça que j'ai pu écrire mon livre.

Assurer à chacun une fin de vie digne

J'ai envie de faire bouger les lignes, j'ai envie que ce débat sur la fin de vie soit à la hauteur. Le débat sur l'euthanasie ne me paraît quand même pas tellement au niveau.

Connaissons déjà la loi, valorisons la démarche palliative, mettons les médecins spécialisés en soins palliatifs au coeur du dispositif, informons les Français de ce qui fonctionne, poussons-les à faire des directives anticipées, et je pense que le débat sera beaucoup plus sain et beaucoup de gens comme moi auront une vision de la mort beaucoup plus calme et apaisée.

Révolte, rage, anxiété et résignation

Moi, j'ai pas du tout accepté tout de suite la maladie, j'ai eu des phases de révolte, de rage, de dégoût, d'anxiété, de résignation et ça a commencé ce que j'ai appelé le "deuil de moi-même", le deuil de ce que j'étais, de ce que j'aurais voulu être. Ça a été aussi un processus long, mais qui m'a beaucoup soulagé, parce que petit à petit, j'étais en train de renaître.

Dès que j'ai un bon moment qui se profile, je le prends, je respire, je regarde, je me dis que c'est un bon moment, c'est la fin de ta vie, bien sûr, tu vas mourir, mais regarde le soleil, regarde le chien qui court, regarde l'herbe, regarde les arbres et je me dis que c'est sympa de vivre.

Au quotidien, je suis très aidé par un aidant qui est mon mari, qui me soigne, il me nourrit, il me réconforte. Sans lui, je n'aurais jamais pu vivre jusque-là, je serai déjà à l'hôpital.

Et si mourir était une fête...

C'est simple, je veux mourir dans la douceur, je veux mourir dans le calme. Normalement, j'ai droit à la sédation profonde. Aujourd'hui, je n'ai plus du tout peur de mourir. J'ai déjà dit à ma famille ce que je souhaitais pour mon enterrement.

Mon neveu a appris le kaddish des endeuillés, il va le dire, il y aura 10 hommes autour du cercueil pour faire le Min'ha, il y aura tout ce qu'il faut, tout est prévu, tout est organisé. C'est presque une fête, bien sûr, on ne va faire une fête, mais finalement, et si mourir était une fête, quand c'est fait comme ça, pourquoi pas."

Nicolas Menet s’est éteint entouré des siens, comme il le souhaitait, le 4 février dernier.