Handicap : pourquoi le Comité d'éthique dit non aux assistants sexuels

Le Comité national consultatif d'éthique (CCNE) vient de rendre un avis défavorable à la reconnaissance du métier d'assistant sexuel pour les personnes en situation de handicap en France.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Handicap : pourquoi le Comité d'éthique dit non aux assistants sexuels

Craignant des risques importants de dérives, le Comité d'éthique refuse "de faire de l'aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non utilisation marchande du corps humain". D'autant que les personnes en situation de handicap sont "des personnes vulnérables et susceptibles d'un transfert affectif envers l'assistant sexuel", et rien ne peut assurer que ce dernier ne va pas lui-même se rendre vulnérable "par une trop grande implication personnelle dans son service", précise le CCNE dans son avis, rendu public le 12 mars 2013.

Ministre de la Santé sous le gouvernement Fillon, Roselyne Bachelot s'était fortement opposée à la proposition de loi déposée par Jean-François Chossy - député UMP jusqu'à mai 2011 - instaurant la création d'un statut d'"assistant sexuel" pour personnes handicapées. Malgré son refus catégorique, elle s'était engagée à saisir le Comité consultatif national d'éthique sur la question.

Le droit à la sexualité des handicapés

Dans le sillon de la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, au nom du droit à la sexualité, des associations réclament la mise en place de services d'aidants sexuels en France, comme il en existe déjà aux Etats-Unis et dans plusieurs pays d'Europe (Angleterre, Autriche, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Autriche, Danemark, Italie).

Dans ces pays, les assistants sexuels, hommes et femmes, ont un emploi principal (kinésithérapeute, masseur, infirmière,...) mais ils ont appris à accompagner la sexualité des personnes handicapées. Ils exercent cette activité dans le cadre de séances tarifiées.

Pour le Comité d'Ethique, "il semble difficile d'admettre que l'aide sexuelle relève d'un droit" de prestation qui serait "assuré comme une obligation de la part de la société", alors qu'il s'agit d'une initiative individuelle et privée. Le CCNE assimile ce service à de la prostitution. Et la mise en relation de la personne handicapée avec l'aidant sexuel à du proxénétisme.

Le Code pénal français protège les personnes handicapées et sanctionne les abus sexuels sur les personnes vulnérables, la prostitution et le proxénétisme. Accorder un statut légal à cette activité revendiquée, revient à remettre cause les principes de la législation pénale.

De plus, il faut éclairer "l'ambiguité que l'on peut avoir entre travail sanitaire et travail du sexe", souligne Anne-Marie Dickelé, psychologue et rapporteur de l'avis du CCNE, car "un professionnel de santé doit avoir une certaine réserve, une certaine retenue", ajoute-t-elle. Il en va de la qualité de la relation soigant/soigné et du rapport de confiance.

Vers la reconnaisance de ce besoin

Sans envisager de cadre légal, le CCNE préconise néanmoins "la reconnaissance de ce besoin", affirme Anne-Marie Dickelé. Répondre à la souffrance affective et sexuelle des personnes handicapées, oui, mais avec d'autres solutions.

Le Comité d'éthique recommande ainsi une formation des personnels soignants et éducatifs à la sexualité des patients, "dans le respect de son intimité". Cette formation doit notamment avoir "un côté technique" pour faciliter les relations physiques entre personnes handicapées, ou l'accès à des moyens mécaniques de satisfaction sexuelle, par exemple. Il s'agit en amont de faire toute la place à ces personnes, afin de briser les situations d'isolement qui limitent "les occasions de rencontres au cours desquelles ces personnes pourraient nouer les liens sociaux et affectifs auxquels elles aspirent".

Le CCNE recommande également de "soutenir les recherches et initiatives existantes : certains responsables d'établissement sont assez avancés dans des projets expérimentaux consistant en particulier à aider des couples formés de personnes handicapées à s'installer en milieu ordinaire".

La sortie en France du film américain The Sessions, inspiré d'une histoire vraie dans laquelle Mark, lourdement handicapé, décide de recourir à une assistance sexuelle pour perdre sa virginité, arrive à point nommé. Dans un contexte où le droit à la sexualité des personnes handicapées reste une question dérangeante aux enjeux complexes, ce film invite à la réflexion...

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