Dépendance : vers une deuxième journée de solidarité ?

L'Etat envisagerait de mettre en place une deuxième journée de solidarité pour financer la dépendance. Mais selon les chiffres cette mesure ne serait pas suffisante pour financer les dépenses prévues ces prochaines années.

Maroussia Renard
Rédigé le , mis à jour le
Chronique de Maroussia Renard du 2 mai 2018
Chronique de Maroussia Renard du 2 mai 2018

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a été la première à évoquer l'idée d'une deuxième journée de solidarité. Puis, Emmanuel Macron a conforté sa ministre qualifiant l'idée de "piste intéressante" pour financer la dépendance.

La dépendance est en effet un enjeu majeur, une bombe à retardement même. Aujourd'hui, plus de deux millions de personnes ont entre 80 et 85 ans (âge moyen auquel on entre en établissement médicalisé) et selon les projections, en 2050, elles seront cinq millions. Et cela pose d'énormes problèmes de financement puisqu'aujourd'hui, on estime que la perte d'autonomie coûte 30 milliards d'euros par an. D'où l'idée de doubler la journée de solidarité.

Journée de solidarité, comment ça marche ?

La journée de solidarité a vu le jour au lendemain de la canicule de 2003 qui a entraîné 15.000 décès. Après une gestion de cette crise, jugée calamiteuse, il fallait marquer les esprits. Jean-Pierre Raffarin, le Premier ministre de l'époque, a donc décidé que les Français devaient travailler un jour férié pour financer la solidarité envers les personnes âgées. Cette journée était à l'origine fixée le lundi de Pentecôte. Mais après beaucoup de critiques et une application inégale, la loi a été réformée en 2008.

Depuis cette date, les entreprises font comme elles veulent du moment que leurs salariés travaillent sept heures de plus dans l'année sans être payés. Cette journée peut être n'importe quel jour férié (sauf le 1er mai). L'entreprise peut supprimer un jour de congé ou de RTT, elle peut aussi faire cadeau de cette journée à ses salariés et verser tout de même la somme due à l'Etat. Enfin, dernière option, elle peut fractionner la journée de solidarité en heures, réparties dans l'année (par exemple, les cheminots travaillent 1 minute 52 secondes de plus chaque jour pour payer la cotisation). Quelle que soit la solution choisie, l'employeur doit verser les salaires correspondant à cette journée (1 journée/300 ouvrées = 0,3% de la masse salariale) à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Qui est concerné par la journée de solidarité ?

Tous les salariés de France sont concernés par cette journée de solidarité. Seule exception, les professions libérales et indépendantes, ce qui ne manque pas de susciter des critiques. Depuis cinq ans, les retraités sont eux aussi concernés : les retraités imposables doivent contribuer avec un prélèvement de 0,3% sur leur pension de retraite. Et cette contribution touche également des revenus du capital (actions en Bourse par exemple), mais pas le Livret A.

Combien rapporte cette journée de solidarité ?

En 2017, la journée de solidarité a rapporté 2,37 milliards d'euros. Mais cet argent n'est pas uniquement dédié aux personnes âgées. 40% de cette somme est destinée aux personnes handicapées et 60% à la prise en charge de la dépendance. Cet argent sert par exemple à financer une partie des recrutements en maison de retraite, à financer l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou encore à payer des heures d'aide à domicile pour les personnes âgées en perte d'autonomie.

Comment instaurer cette deuxième journée de solidarité ?

A priori, la deuxième journée de solidarité serait calquée sur la première. L'avantage, elle rapporte beaucoup d'argent très vite, sans avoir à augmenter les impôts. Mais cela suscite beaucoup de débats, notamment du côté des syndicats qui assimilaient la première journée de solidarité à du travail gratuit ou "confisqué à 100%". Les représentants des maisons de retraite, eux, trouvent que l'intention est louable, mais que le compte n'y est pas. Selon eux, pour pouvoir améliorer l'accompagnement des personnes âgées dépendantes, il faudrait quasiment supprimer la cinquième semaine de congés payés !

Le constat est un peu le même du côté des parlementaires. Les députés qui viennent de mener une mission sur les EHPAD estiment qu'il faudrait mettre sur la table 20 milliards d'euros supplémentaires (l'équivalent de neuf ans de journées de solidarité) pour mettre un terme à la crise actuelle. Cette deuxième journée de solidarité ne serait qu'une goutte d'eau dans le chantier titanesque du financement de la dépendance.

Pour le moment, le gouvernement reste très prudent concernant la mise en place de cette deuxième journée de solidarité. Il ne s'agirait que d'une piste parmi d'autres. En attendant de trancher, Agnès Buzyn a promis un "débat sociétal" sur l'organisation de la prise en charge de la dépendance. Mais il va falloir réfléchir vite car le gouvernement a prévu de présenter une solution d'ici la fin de l'année 2018.