Comment limiter les dépassements d'honoraires ?

Les dépassements d'honoraires sont fréquents chez les spécialistes et dans les cliniques. Et les patients ne comprennent pas toujours pourquoi ils paient plus que le tarif Sécu. Notre spécialiste en économie de la santé nous donne des solutions pour alléger la facture.

Maroussia Renard
Rédigé le
"Comment limiter les dépassements d'honoraires ?", chronique de Maroussia Renard du 1er avril 2019
"Comment limiter les dépassements d'honoraires ?", chronique de Maroussia Renard du 1er avril 2019

Dans le cadre du Grand Débat national, beaucoup de Français ont déposé des contributions pour dire stop aux dépassements d'honoraires ou demander à les limiter. Sur le site du Grand Débat National, il y en a une pleine page. Ces dépassements sont des sommes que les médecins peuvent facturer au-delà du tarif Sécu et qui ne sont pas remboursées. Ils ont plus que doublé en quinze ans. En 2018, les Français ont payé 2,7 milliards d'euros de dépassements. Le chiffre peut paraître abstrait mais ces dépassements sont un obstacle réel pour certains patients, parfois obligés de renoncer à des soins.

Quels sont les praticiens concernés par les dépassements ?

Tous les praticiens n'ont pas le droit de faire des dépassements. Il existe deux grandes catégories de médecins : secteur 1 et secteur 2. Seuls les médecins de secteur 2 ont le droit de facturer des dépassements. Le secteur 2 est en quelque sorte le "carré VIP" de la médecine. On ne peut y entrer que si on a un titre hospitalier, ancien chef de clinique par exemple. Et dans ce cas, on a un droit permanent aux dépassements.

Les médecins de secteur 1, eux, doivent appliquer les tarifs Sécu mais il existe tout de même deux exceptions. Ils peuvent facturer des dépassements si vous consultez en dehors du parcours de soins : par exemple, si vous consultez un cardiologue sans passer par la case médecin traitant ou si vous avez des exigences particulières (visite à domicile, rendez-vous le soir...). Ces dépassements sont très rares chez les généralistes. 6% sont en secteur 2. En revanche, 46% des spécialistes en facturent. Les dépassements des médecins hospitaliers sont un cas particulier.

Comment savoir si un médecin facture des dépassements ?

Pour savoir si un médecin facture des dépassements, il suffit de consulter l'annuaire sur le site Ameli.fr. Vous saisissez le nom du médecin et la ville et il sera indiqué "conventionné secteur 1 ou 2". Si vous cliquez, vous obtenez tous les tarifs : prix moyen d'une consultation, remboursement Sécu... Cet annuaire est aussi très utile si vous cherchez un nouveau médecin au tarif Sécu. Vous indiquez la spécialité, la ville, vous cochez "honoraires sans dépassement", et vous obtenez une liste.

Le problème, dans certaines villes, le choix est très limité et les délais pour obtenir un rendez-vous peuvent être longs. Pour les associations de patients,  certains usagers des grandes villes sont "pris en otage". Ils doivent payer le prix fort ou patienter des mois, ils n'ont pas d'autre choix.

Quel est le montant des dépassements d'honoraires ?

Il n'existe pas de plafond pour les dépassements d'honoraires. Les médecins ont une liberté totale et les dépassements n'ont jamais été encadrés. Seul un article du Code de la santé publique précise qu'un médecin doit facturer ses honoraires avec "tact et mesure". Cela est évidemment très subjectif. Le Conseil de l'Ordre, lui, indique que le médecin est censé prendre en compte les capacités financières du patient mais ce n'est pas toujours le cas.

En revanche, les médecins ont l'obligation d'informer clairement leurs patients sur leurs honoraires. Ils sont tenus d'afficher dans la salle d'attente les tarifs, et si le montant total de l'acte dépasse 70 euros, ils doivent remettre au patient un papier qui précise le tarif et la part de dépassement.

Ces dépassements sont-ils remboursés ?

Les dépassements d'honoraires ne sont jamais remboursés par la Sécu, et ils le sont de moins en moins par les mutuelles. Elles n'ont pas le choix. Dans le cadre des mutuelles d'entreprise obligatoires, les contrats dits "responsables" ont été imposés. Ils ont une fiscalité avantageuse, mais en contrepartie, les remboursements des dépassements sont plafonnés.

La seule solution pour être mieux remboursé est de consulter un médecin qui a adhéré à l'option pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM). Le médecin s'engage à modérer ses dépassements en échange de diverses aides. Par exemple, pour la pose d'une prothèse de hanche coûtant 1.300 euros, si vous consultez un médecin non-OPTAM, la Sécu rembourse 542 euros et la complémentaire 542 euros. Le patient doit alors payer 216 euros. Si le chirurgien a adhéré à l'OPTAM, le remboursement Sécu sera de 642 euros, et de 658 euros pour la mutuelle. Le patient n'aura donc aucun reste à charge. Toutefois, l'OPTAM est totalement facultatif et les médecins ne semblent pas emballés : à peine un médecin sur deux a adhéré. Dans certaines villes ou spécialités, il est donc très difficile de trouver un médecin OPTAM.

Comment faire baisser la facture ?

Pour faire baisser la facture, on dit souvent qu'il faut négocier les honoraires avec le médecin, même si cela n'est pas simple. En revanche, n'hésitez pas à envoyer le devis à votre mutuelle pour savoir précisément le montant des remboursements. Avec cette estimation à l'appui, il est plus facile d'expliquer au médecin que vous ne pouvez pas payer de tels dépassements.

Dans le cas de dépassements exorbitants, vous pouvez saisir le Conseil de l'Ordre ou la Sécurité sociale qui peut lancer une procédure pour "pratique tarifaire excessive". Mais les sanctions sont rarissimes. En trois ans, seuls quinze médecins ont vu leur droit à dépassement suspendu, pour quelques mois seulement. Cela n'est donc pas très dissuasif. Enfin, aucune étude ne prouve que les médecins qui pratiquent des dépassements sont plus compétents que ceux qui n'en font pas...