Cancer du sein : un petit pas du Sénat sur la reconstruction mammaire

Le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi visant à renforcer l’information sur la reconstruction mammaire après mastectomie. Mais au-delà de l'information, améliorer l'accès à toutes les techniques de reconstruction et abaisser le reste à charge des interventions serait également nécessaire.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Cancer du sein : un petit pas du Sénat sur la reconstruction mammaire

Une mesure encourageante, mais insuffisante dans les faits. Alors que le Plan cancer 2014-2019 arrive à son terme, le Sénat a adopté en première lecture le 5 mars 2019 une proposition de loi en faveur d’un renforcement de l’information sur la reconstruction mammaire donnée aux femmes opérées d’un cancer du sein. En effet, après une mastectomie, 70% des patientes n’ont pas recours à une reconstruction et parmi elles, 60% sont mal ou insuffisamment informées, comme le signalait en 2014 un rapport de l'Observatoire sociétal des cancers.

Informer pour guider vers un choix éclairé

Le nouveau texte de loi, proposé par le parti Les Républicains, vise à rendre obligatoire l’information sur la reconstruction mammaire après une ablation d’un ou des seins liée à un cancer. Il pourrait venir compléter l'article L1111-2 du Code de la santé publique, en y ajoutant une précision à propos du droit dont dispose toute personne à être informée sur son état de santé : "Cette information porte également, lorsqu’est envisagée ou a été réalisée une mastectomie, sur les procédés de chirurgie réparatrice existants, sur leur utilité et leurs conséquences respectives ainsi que sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ou, si le professionnel n’est pas en mesure de la fournir lui‑même, sur le parcours de soins permettant à la patiente d’obtenir sur tous ces éléments une information appropriée."

Autrement dit, l'objectif de cette proposition de loi est de "permettre aux équipes médicales d'accompagner [les patientes] de façon optimale, par une information la plus complète possible" précise le rapport de la sénatrice Florence Lassarade, rapporteure de la proposition de loi.
Mais "le fait de ne pas recourir à une reconstruction mammaire relève du choix de chaque femme" rappelle Florence Lassarade dans son rapport, et des informations complètes permettent que ce choix soit éclairé. Dans tous les cas, "l’acceptation, après une épreuve douloureuse, de son nouveau corps, que celui-ci ait fait l’objet ou pas d’une reconstruction, doit être pleinement soutenue" poursuit enfin la rapporteure.

"Etre mutilée dans sa chair donne le droit à une information honnête et complète"

"Je salue l'effort. C'est une mesure symbolique qui sanctuarise l'information que doivent recevoir les patientes", reconnaît Emmanuel Jammes, chargé de mission société et politique de santé à la Ligue contre le cancer. "Mais on peut faire toute l'information qu'on veut, cela ne résoudra pas le problème si on ne met pas en place suffisamment de centres qui permettent tous les types de reconstruction qui existent aujourd'hui (reconstruction par lambeau de graisse ou de muscle ou prothèses, ndlr) adaptés aux différentes morphologie des patientes et à leur souhait" poursuit-il. Autre problème : "cette proposition de loi ne prévoit rien qui protège les patientes d'une information biaisée" relève Emmanuel Jammes. En effet, "si l'information est apportée par un chirurgien qui ne maitrise que les prothèses, il risque d'orienter la patiente vers cette option, en soulignant la lourdeur des autres solutions (nombre d'opérations, nouvelles cicatrices...). Or, chaque solution a ses avantages et ses inconvénients qui doivent être présentés à la patiente. Etre mutilée dans sa chair donne le droit à une information honnête et complète."

Cela signifie, selon Emmanuel Jammes, que les choix non chirurgicaux doivent aussi être évoqués, comme celui des prothèses externes : "Se reconstruire ne passe pas forcément par la chirurgie, cela reste un choix personnel. Les prothèses externes, faites sur mesure, doivent aussi être proposées d'autant qu'on a enfin obtenu leur remboursement sans aucun reste à charge", contrairement aux opérations soumises aux dépassements d'honoraires.

Informer aussi sur le coût de l’opération

En effet, la reconstruction mammaire fait encore aujourd'hui l'objet de restes à charge élevés. Comme le rapportait l’Observatoire sociétal des cancers en 2014, le dépassement d'honoraire moyen serait de 1 300 euros par intervention et une reconstruction mammaire nécessite souvent entre deux et quatre interventions. Ainsi, "une femme sur deux ayant eu une mastectomie évoque des difficultés financières pour faire face aux restes à charge qu’elles ont dû supporter" note le rapport. Et, au final, "le poids financier du reste à charge pèse sur les projets de vie des femmes qui utilisent souvent leurs économies pour financer leur reconstruction mammaire". Cinq ans plus tard, rien n'a changé, selon Emmanuel Jammes : "nous recevons toujours les mêmes témoignages. Soit dans les cliniques privées, soit dans des hôpitaux publiques où les chirurgiens proposent des délais beaucoup plus courts à condition de rentrée dans la 'clientèle privée', moyennant des centaines d’euros !"

Avec près de 60 000 nouveaux cas par an en France, le cancer du sein est le cancer féminin le plus fréquent. L’ablation d’un ou des seins constitue un traitement courant qui entraîne des modifications physiques aux répercussions psychologiques et sociales souvent très douloureuses pour la patiente. La reconstruction mammaire peut contribuer à limiter ces retentissements au niveau de l'image de soi, la confiance, la vie sociale mais aussi de l'intimité..Celles qui la souhaitent doivent donc pouvoir accéder à la meilleure intervention possible pour elle sans freins géographiques ou financiers.