Dépakine : les rejets toxiques de l'usine Sanofi accusés d'avoir entraîné des malformations

Une plainte pour mise en danger d'autrui a été déposée contre Sanofi. Une famille accuse l'usine fabriquant la Dépakine d'avoir rejeté dans l'environnement des déchets toxiques à l'origine de troubles du développement chez deux enfants.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Dépakine : Des rejets toxiques dans l'air ?
Dépakine : Des rejets toxiques dans l'air ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

Nouveau rebondissement dans l’affaire de la Dépakine, ce médicament antiépileptique qui provoque des malformations in utero. Une nouvelle plainte pour mise en danger d’autrui vient d'être déposée auprès du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris. Cette fois, ce n’est pas la prise du médicalement en tant que telle qui est pointée du doigt, mais les rejets de son usine de production située à Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques.

Deux enfants malades

À l’origine de la plainte : Mélanie, une mère de deux enfants. Elle n’a jamais pris le traitement, mais elle travaille juste à côté de l’usine. Or ses deux enfants présentent des troubles du neuro-développement et des malformations semblables à ceux décrits chez les enfants exposés in utero à la Dépakine.

"Le bureau de Mélanie se situe juste en face de l'usine de Sanofi", raconte Marine Martin, la lanceuse d’alerte du scandale de la Dépakine à qui Mélanie s'est confiée. "Elle a donc probablement inhalé de l'air et bu de l'eau contaminés. Son fils souffre de troubles autistiques et de malformations uro-génitales qui ont nécessité une prise en charge très tôt. Elle a eu par la suite un deuxième enfant avec à nouveau des troubles autistiques, des retards divers et une rééducation extrêmement importante" poursuit Marine Martin, qui a créé l’APESAC, une association d’aide aux victimes et d’information sur le sujet.

Malformations du visage ou du coeur, retard du développement, baisse du QI...

La Dépakine, c’est donc ce médicament antiépileptique, qui était prescrit aux femmes, y compris lors de grossesse. Sauf que la molécule peut provoquer des malformations sur l’embryon et le fœtus. Selon l’agence du médicament (ANSM), une exposition à la Dépakine pendant la grossesse chez la femme multiplie par deux ou trois la fréquence globale de malformations graves.

Les malformations les plus fréquemment observées sont celles au niveau du visage et de la bouche, au niveau du conduit qui sert à évacuer l’urine qu’on appelle l'urètre, mais aussi des malformations cardiaques ou neurologiques. L’agence du médicament a observé aussi un risque multiplié par 4 ou 5 de troubles du spectre autistique, de retard du développement, d’une baisse du quotient intellectuel (QI) et de l’hyperactivité chez les enfants.

Des femmes qui ont pris de la Dépakine pendant leur grossesse ont donc déjà engagé des actions en justice. Le laboratoire a d’ailleurs été jugé responsable d’un manque de vigilance et d’information sur ces risques. Et ça ne concerne pas que les futures mères. En août dernier, l’ANSM alertait aussi sur les risques concernant la prise du médicament par les futurs pères, dans les trois mois précédant la conception de l’enfant.

"Les habitants et les travailleurs ont inhalé ou bu du valproate de sodium"

Et aujourd’hui, ce nouveau rebondissement laisse planer l’idée d’un risque lié non pas à la prise du médicament, mais au fait de respirer les vapeurs de l’usine de production de la molécule. La seule au monde à produire le principe actif du médicament, le valproate de sodium.

Usine qui avait déjà dû fermer ses portes en 2018, à cause des rejets toxiques qui dépassaient largement les normes, comme le rappelle Marine Martin : "Ces rejets toxiques existent depuis 2013. Donc pendant des années, entre 13 et 22 tonnes, donc des quantités gigantesques, ont été rejetées. Pendant ce temps-là, les habitants et les travailleurs ont inhalé ou ont bu du valproate de sodium, y compris les femmes enceintes pendant leur grossesse."

Aujourd’hui, une famille porte plainte mais une dizaine d’autres serait concernée, selon l’APESAC qui fait état de leurs difficultés à engager une action. C’est d'abord très difficile d’apporter la preuve d’une contamination humaine - cela nécessite des analyses de sang ciblées sur la molécule et réalisée pendant la grossesse. Ensuite parce que certaines de ces personnes travaillent chez Sanofi, et craignent donc pour leur avenir, à double titre.