Dépakine : la justice juge "recevable" l'action de groupe contre Sanofi

Le tribunal judiciaire de Paris a reconnu, ce mercredi 5 janvier, Sanofi responsable d'un manque de vigilance et d'information sur les risques de la Dépakine pour le foetus. Il a aussi jugé "recevable" l'action de groupe contre le laboratoire français.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Dépakine : la justice juge "recevable" l'action de groupe contre Sanofi

C'est peut être une première étape vers une indemnisation pour les victimes de la Dépakine. Une action de groupe lancée en 2017 par l'Association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (Apesac) a été jugée recevable par le tribunal de Paris ce 5 janvier 2022.

La justice a estimé que le groupe français "a commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d'information" sur les risques de malformations et de retard de développement des enfants en cas de prise de Dépakine pendant la grossesse.

Le laboratoire a annoncé un appel.

La Dépakine : "un produit défectueux"

Dans son jugement, le tribunal fixe entre 1984 et 2006 la période de temps durant laquelle le risque de malformations congénitales n'a pas suffisamment été pris en compte. Pour les troubles neuro-développementaux, qui ont mis plus de temps à être reconnus, il réduit cette période à 2001-2006.

Compte tenu des informations scientifiques disponibles à l'époque, le tribunal estime aussi que Sanofi "a produit et commercialisé un produit défectueux entre le 22 mai 1998 et janvier 2006 pour les malformations congénitales, et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles neuro-développementaux".

Sanofi a parallèlement été mis en examen en 2020 pour "homicides involontaires" dans la partie pénale du dossier.

Soulagement des victimes

"C'est un immense soulagement que le tribunal judiciaire de Paris reconnaisse la faute du laboratoire Sanofi", a réagi auprès de l'Agence France Presse Charles Joseph-Oudin, avocat de l'Apesac, saluant "la portée symbolique (du jugement) pour les victimes". Les "dates retenues" par le tribunal "sont trop restrictives et ne sont pas conformes aux données de la science", a-t-il toutefois ajouté, précisant qu'il allait "étudier" avec l'Apesac l'opportunité de faire appel.

L'association estime en effet que le risque de troubles du développement était connu avant 2001 et que le manque d'information a persisté au-delà de 2006, date à laquelle le médicament est devenu "déconseillé" pendant la grossesse. Les conditions de prescription ont continué à être restreintes par la suite, jusqu'à une contre-indication totale chez les femmes en âge de procréer en juin 2018, sauf dans des situations exceptionnelles où les autres traitements ne sont pas efficaces.

Dépakine  —  Magazine de la Santé - France 5

Dépakine : un scandale sanitaire

La Dépakine était indiqué dans le traitement de l'épilepsie chez la femme enceinte. Le médicament est à l'origine de malformations et des troubles du développement chez le foetus. `

Le valproate de sodium est commercialisé depuis 1967 par le laboratoire Sanofi sous les marques Dépakine (pour les patients épileptiques), Dépakote et Dépamide (pour les patients bipolaires), ainsi que sous des marques génériques.

Selon des estimations de l'Assurance maladie et de l'ANSM, cette molécule serait responsable de malformations chez 2.150 à 4.100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16.600 à 30.400 enfants. Un dispositif d'indemnisation des victimes a été confié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

Saga judiciaire et condamnations

En 2016, une enquête a été ouverte à Paris à la suite d'une procédure à l'initiative de l'Apesac.

En juillet 2020, la justice administrative a reconnu pour la première fois la responsabilité de l'Etat - condamné à indemniser plusieurs familles d'enfants lourdement handicapés - ainsi que celle de Sanofi et de médecins.

Dans l'enquête pénale, Sanofi et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ont été mis en examen en 2020, pour "homicides involontaires" notamment.