Protection de l'enfance : le rôle des médecins

Le Dr Irène Kahn-Bensaude, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des médecins insiste sur le développement de procédures qui permettent aux médecins de donner l'alerte sur des cas de maltraitance sans risquer d'être poursuivis et/ou piégés par de fausses accusations.

Géraldine Zamansky
Rédigé le , mis à jour le
Protection de l'enfance : le rôle des médecins
  • Comment les soignants peuvent-ils transmettre d'éventuelles inquiétudes pour un enfant ?

Dr Irène Kahn-Bensaude : "Il existe deux procédures. Historiquement, la première est le signalement au procureur. C'est un devoir dès qu'un médecin estime que les faits dont il a été témoin ou qui lui ont été rapportés revêtent un caractère de gravité. Par exemple des traces de coups ou si l'enfant dit qu'il a été victime d'agression sexuelle. Nous avons alors mis à sa disposition une lettre type de signalement qui lui permet de consigner les faits correctement.

"La seconde consiste à transmettre une information préoccupante au Conseil Général de son département via la Commission de recueil et d'évaluation de l'information préoccupante (CRIP), dispositif créé en 2007. Selon la définition rappelée par l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED), il s'agit de tous les éléments, y compris médicaux, susceptibles de laisser craindre qu'un mineur se trouve en situation de danger et puisse avoir besoin d'aide, qu'il s'agisse de faits observés, de propos entendus, d'inquiétude sur des comportements de mineurs ou d'adultes à l'égard d'un mineur.

"Autrement dit, le médecin doit donner l'alerte si la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant sont en danger ou en risque de danger, et/ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l'être."

  • Cela fait véritablement partie de l'exercice médical ?

Dr Irène Kahn-Bensaude : "Le code de déontologie précise clairement dans son article 43 que le médecin doit être le défenseur de l'enfant lorsqu'il estime que l'intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage. L'article 44 poursuit : Lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu'il apprécie en conscience."

  • Mais il reste des craintes qui freinent ces démarches ?

Dr Irène Kahn-Bensaude : "Dans les petites villes, la peur de retombées difficiles reste forte. En cas de coups et blessures, il ne faut pas hésiter à chercher de l'aide en faisant hospitaliser l'enfant, par exemple. Le circuit de l'information préoccupante commence à porter ses fruits avec une augmentation des cas transmis par les médecins. Le procureur de la République de Paris aussi constate un progrès, mais considère que les médecins ne signalent pas encore assez.

"Nous essayons d'améliorer la situation en les rassurant à travers des formations sur les procédures de signalement et la façon de remplir les courriers d'alerte en ouvrant les guillemets correctement par exemple, pour ne jamais être accusé de diffamation."

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