Des paraplégiques retrouvent une capacité de contrôle de leurs jambes

Des paraplégiques, paralysés depuis des années, ont retrouvé des sensations dans leurs jambes et le contrôle partiel de leurs mouvements. Des résultats sans précédent obtenus grâce une rééducation cérébrale et physique innovante, par une équipe de chercheurs internationaux.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Des paraplégiques retrouvent une capacité de contrôle de leurs jambes - capture d'écran vidéo projet "Walk again"
Des paraplégiques retrouvent une capacité de contrôle de leurs jambes - capture d'écran vidéo projet "Walk again"

Lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde de la FIFA, en 2014, un jeune homme brésilien, paralysé à partir de la poitrine, avait donné le coup d’envoi. Il avait utilisé une interface cerveau-machine lui permettant de contrôler les mouvements d'un exosquelette (une structure de soutien du corps pour la marche, activée par la pensée) des membres inférieurs. Cette prouesse scientifique était le fruit du projet "Walk Again" (WAP), un consortium de recherche international.

À peine deux ans après, le WAP publie ses premiers résultats. Ils révèlent que huit patients ont retrouvé, grâce à ce système, la capacité de mobiliser volontairement leurs muscles des jambes, et de ressentir des sensations dans leurs membres paralysés. Après un an, ils étaient passés d’une paralysie complète à une paralysie partielle. Ceci en dépit d’une lésion complète de la moelle épinière, survenue pour certains plus d'une décennie plus tôt.

Par ailleurs, la plupart des patients ont vu une amélioration du contrôle de leur vessie et de leur intestin. Ces améliorations réduisent le risque d'infections, fréquentes chez les patients atteints de paralysie chronique et causes de décès. Des volontaires masculins ont également fait état d’une amélioration de leur sexualité. "Certains d’entre eux ont recouvré la possibilité d’avoir des rapports sexuels, des érections", rapporte le Dr Miguel Nicolelis, spécialiste des neurosciences de l’université américaine Duke (Caroline du Nord), qui a dirigé cette étude menée au Brésil. "Nous ne pouvions pas prédire ces résultats cliniques surprenants quand nous avons commencé le projet", a déclaré le médecin.

Interface cerveau-machine

L’interface cerveau-machine qu‘ont utilisé les chercheurs établit une communication directe entre le cerveau et des ordinateurs. Pendant près de deux décennies, le Dr Nicolelis a travaillé à construire et à perfectionner ces systèmes qui enregistrent des centaines de signaux simultanés de neurones dans le cerveau, les transforment en commandes motrices et les traduisent en mouvements.

Les patients ont passé au moins deux heures par semaine à utiliser ces systèmes, composés de plusieurs électrodes d'enregistrement insérées dans un casque posé sur le cuir chevelu.

Les scientifiques ont commencé par leur montrer un avatar humain en trois dimensions et leur ont demandé d’imaginer qu’ils marchaient dans un environnement virtuel. Tous les patients ont appris à utiliser leur activité cérébrale pour déplacer l'avatar. Ils ont aussi reçu des signaux tactiles, qui leur ont donné l’impression de toucher le sol. "Ces signaux sont cohérents avec le retour visuel et créent une illusion de marche très réaliste", a expliqué le scientifique.

La rééducation a combiné réalité virtuelle et exercices physiques, notamment sur tapis roulant. Les scientifiques ont utilisé des exosquelettes, commandés par l’activité cérébrale des patients.

Plasticité du cerveau et de la moelle épinière

Les chercheurs ont constaté des changements significatifs dans le cerveau des volontaires. "Fondamentalement, le protocole a réinséré la représentation des membres inférieurs dans leur cerveau", a déclaré le Dr Nicolelis. Le cerveau a été en quelque sorte reprogrammé. Et la moelle épinière l’a été aussi. Le Dr Nicolelis et ses collègues sont persuadés que, grâce à un entraînement hebdomadaire, les patients ont remobilisé des nerfs de la moelle épinière qui avaient survécu aux accidents de voiture, aux chutes et aux autres traumatismes, à l’origine de la paralysie.

Dans la moelle épinière, la combinaison de la réorganisation du cerveau et de l'exercice musculaire pourrait avoir induit la naissance de nouvelles connexions nerveuses. "Un grand pourcentage de patients diagnostiqués paraplégiques peuvent encore avoir quelques nerfs rachidiens intacts", a expliqué le médecin. "Ces nerfs peuvent se taire pendant de nombreuses années, parce qu'ils ne reçoivent pas de signaux de la part du cortex. Au fil du temps, le travail avec l'interface cerveau-machine pourrait raviver ce petit nombre de nerfs, suffisant pour transmettre les signaux du cerveau au muscle."

Les chercheurs espèrent reproduire et améliorer ces premiers résultats. "Aujourd’hui, quand des patients reçoivent un diagnostic de paralysie complète, la rééducation consiste principalement à les adapter à un fauteuil roulant", a déclaré le Dr Nicolelis. "Nous croyons que notre protocole peut non seulement déclencher l’amélioration des patients, mais qu’il peut aussi servir de facteur de motivation important pour les patients du monde entier." L'équipe continue également ses efforts pour faire profiter de ces avancées aux patients à travers le monde qui n'ont pas accès aux centres de thérapie physique les plus sophistiqués.