Autisme : le Pr. Montagnier se sert de l'Académie de médecine

Le traitement par antibiotiques de l'autisme, l'idée n'est pas nouvelle, et les études précédentes ne montrent pas une réelle efficacité. Pourtant le Pr. Guy Montagnier a présenté un exposé à l'Académie de médecine intitulé "Recherche sur l'autisme, la piste microbienne". Au grand étonnement des académiciens.

Cécile Guéry-Riquier
Rédigé le , mis à jour le
Autisme : le Pr. Montagnier se sert de l'Académie de médecine

Surpris, voire scandalisés, les membres de l'Académie de médecine sont sortis abasourdis de la séance qui a eu lieu ce mardi 20 mars 2012, devant leurs yeux.

Pendant 45 minutes, le Pr. Luc Montagnier, prix Nobel de médecine, a défendu les recherches sur "la piste microbienne" de l'autisme, en soutenant que les antibiotiques permettraient d'améliorer un grand nombre d'enfants atteints.

Le Pr. Montagnier aurait beaucoup insisté pour que cette conférence soit filmée, par une équipe de tournage qui l'accompagnait.

Il a affirmé "on compte chaque année en France 5 000 nouveaux cas d'autisme ou de troubles apparentés", a-t-il dit notant le caractère "multifactoriel" de ce syndrome des troubles de la communication.

C'est "une véritable épidémie" que les facteurs de prédisposition génétique ne peuvent à eux seuls expliquer". Il est donc "logique de s'intéresser à des facteurs environnementaux nouveaux". En particulier, aux pesticides, a-t-il poursuivi en évoquant aussi une exposition accrue aux "radiations électromagnétiques non ionisantes".

Facteurs environnementaux et génétiques participeraient à un phénomène de "stress oxydatif" susceptible de provoquer des "modifications neuronales" et un dysfonctionnement immunitaire. Les enfants autistes souffriraient ainsi d'infections chroniques.

Le Pr. Montagnier a fait état de "55 % d'amélioration rapide" obtenus avec des cures d'antibiotiques sur 97 autistes, en notant que "les enfants réagissent beaucoup mieux avant l'âge de 7 ans".

"Il est important de confirmer ces résultats par des essais contrôlés (un groupe recevant le traitement, l'autre un placebo)", a-t-il ajouté.

Agacement collectif

Habituellement, les présentations ne sont pas suivies de questions des auditeurs. Mais face à l'agacement collectif, le président de séance a donné la parole au Pr. Gilbert Lelord, pédopsychiatre spécialiste de l'autisme.

Celui-ci a regretté l'absence de démonstration scientifique, sans référence à aucun cas-témoin et sans preuve de reproductibilité.

Il a par ailleurs rappelé que l'antibiothérapie à haute dose proposée par le Pr. Montagnier n'est pas la première tentative de traitement de l'autisme par voie médicamenteuse, mais que les leçons des essais historiques menés sur la vitamine B6 et la fenfluramide dans les années 1970 et 1980 exigent de la prudence.

En effet, lorsque ces produits étaient administrés en ouvert, on observait plus de 60 % de résultats favorables. Quand ils ont été prescrits dans des essais contrôlés, on n'a plus recueilli que 20 % de résultats positifs". 

Aujourd'hui, la fenfluramine n'est plus guère étudiée. Quant à la vitamine B6, une analyse de la Cochrane publiée en 2009 ne retrouve que trois études remplissant les critères de sélection, dont une seule exploitable, et conclut que les données sont insuffisantes pour pouvoir la recommander.

Le secrétaire perpétuel de l'Académie de médecine, le Pr. Raymond Ardaillou, tient à rappeler que les membres de l'académie s'expriment en leur seul nom, que ces propos ne sont prouvés en rien, et qu'il faudra les démontrer au cours d'une étude validée par d'autres médecins. Les conférences sont sous la seule responsabilité de leur auteur. C'est la raison pour laquelle le texte de cette conférence ne paraîtra ni dans son Bulletin, ni sur son site Internet.

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