Explosions à Beyrouth : l’importance d’organiser les soins

Des renforts technique et humain français se dirigent vers la capitale libanaise ravagée par la double explosion qui s’est produite hier, mardi 3 août.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Les autorités libanaises décrètent l'état d'urgence à Beyrouth pendant deux semaines.
Les autorités libanaises décrètent l'état d'urgence à Beyrouth pendant deux semaines.  —  © Twitter @Beltrew

Plus de 100 morts, 4.000 blessés, près de 300.000 personnes sans domicile, c’est le dernier bilan communiqué par les autorités libanaises après l'explosion majeure qui a frappé leur capitale mardi. Dans le chaos généré par ce drame qui touche Beyrouth, il faut coûte que coûte organiser les soins.
Le Dr. Aurélie Godard, anesthésiste-réanimatrice au sein de Médecins Sans Frontières nous explique comment.

AlloDocteurs.fr : Vous êtes habituée à la médecine de guerre et d’urgence sanitaire. Comment s’organisent les soins dans ces contextes ?

Dr. Aurélie Godard : Quand on a un afflux massif de patients, comme c’est le cas à Beyrouth en ce moment, il faut travailler par ordre de priorité. Quand les structures ne sont pas détruites, on ferme tous les accès de l’hôpital pour n’en laisser qu’un seul. Cela évite d’avoir des familles en nombre qui affluent pour chercher leurs proches, et aussi les mouvements de panique. Ensuite, on met en place un « triage » : on va classer les malades selon la gravité de leurs blessures et se concentrer sur les personnes qui ont le potentiel de survie le plus important.

AlloDocteurs.fr : Comment s’organisent les soignants pour faire face à cet afflux de blessés ?

Dr. A. G. : C’est toute la structure de soins qui est revue. Infirmiers, brancardiers, pharmaciens, personnel de la banque du sang, gardiens pour surveiller les entrées... Tous sont mobilisés. Il faut rapidement faire un état des lieux du matériel disponible et des hôpitaux encore debout. On arrête les chirurgies programmées (NDLR : les opérations du quotidien, non urgentes qui peuvent être reportées), on gère les blessés, tout en continuant à pouvoir accueillir la femme qui doit accoucher. Il est pour cela primordial d’avoir une bonne connaissance des structures et moyens du pays dans lequel on intervient.

AlloDocteurs.fr : Il faut aussi des moyens logistiques importants?

Dr. A. G. : Sans la logistique, les soignants ne peuvent rien faire. L’un sans l’autre, ça ne marche pas! Si on prend l’exemple des hôpitaux sous tente. Il ne suffit pas d’installer des lits et des respirateurs. Sans électricité, sans eau, il n’y a pas d’opérations possibles. Autre élément important dont on parle peu : les accès. Il faut se débarrasser des gravats pour faire rouler les brancards.

AlloDocteurs.fr : Quelles sont les blessures liées à une explosion ?

Dr. A. G. : Il y a ce qu'on appelle les traumatismes pénétrants : quand les projectiles génèrent des coupures superficielles ou des blessures bien plus graves comme des perforations des organes internes (foie, intestin, rate). L’effet de souffle de l’explosion, qu'on appelle le "blast", crée aussi des lésions internes. Les fractures ouvertes sont aussi à craindre et à prendre vite en charge à cause des infections. A Beyrouth, des bâtiments se sont effondrés, il faudra aussi soigner tous les traumatismes par écrasement...