Réforme des retraites : "On demande aux médecins d'attendre que les gens soient usés"

Si le projet de loi est adopté, les médecins du travail devront sélectionner les travailleurs en mauvaise santé éligibles à une retraite anticipée. Cette mission indigne les soignants, qui réclament davantage de prévention.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Réforme des retraites : quel rôle pour les médecins du travail ?
Réforme des retraites : quel rôle pour les médecins du travail ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

Ce 19 janvier a lieu la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Au-delà de la question de l’âge de départ, le texte du gouvernement prévoit de donner un rôle plus important aux médecins du travail.

Pour rappel, le projet de loi souhaite :   
- Supprimer les régimes spéciaux ;
- Reporter l’âge légal de la retraite à 64 ans (contre 62) d'ici 2030 ;
- Instaurer la nécessité de 43 années de cotisations pour partir à la retraite à partir de 2027 ;
- Prendre en compte la pénibilité.

Et c'est en cela que les médecins du travail auront un nouveau rôle : celui de dire qui pourra partir à la retraite de façon anticipée, selon son état de santé et son "usure". 

Prévenir plutôt que sélectionner

"Les médecins du travail agissent sur la prévention : leur mission est de prévenir toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail en conseillant les salariés et les employeurs", rappelle la docteure Nathalie Guen, médecin du travail et membre du syndicat SNPST. "On est là pour suivre les travailleurs tout au long de leur vie et non pas pour faire de la sélection, comme le gouvernement nous le demande ici" alerte-t-elle.

"Nous sommes opposés à cette nouvelle mission" tranche la docteur Guen. "On nous demande d'attendre que les gens soient usés alors qu'il faut agir au préalable sur les conditions de travail pour les améliorer".

"C'est un très mauvais calcul"

C'est pourquoi cette médecin réclame "une politique gouvernementale très appuyée" pour améliorer les conditions de travail. C'est selon elle la seule solution pour que les travailleurs arrivent à la retraite en bonne santé. Si un médecin déclare une retraite anticipée pour une personne usée à 61 ans, celle-ci sera à la retraite, mais en mauvaise santé. "Quel est l'intérêt ? C'est un très mauvais calcul" s'indigne la docteure Guen.

"Ce qui nous semble scandaleux, c'est de demander à des médecins de constater l'usure, d'être des 'usurologues' si on devait inventer un mot affreux. Ce n'est pas notre rôle et on le fait déjà tout au long de la carrière des gens", conclut-elle.