Perte d'équilibre, arrêt cardiaque ... quand le protoxyde d'azote ne fait plus rire

Parmi les produits détournés de leur usage premier, le protoxyde d’azote, ou "gaz hilarant" est un produit très en vogue chez les adolescents et jeunes adultes. Ce gaz aurait de nombreux effets secondaires dangereux et inattendus.

Marie Guyot
Rédigé le

L'actualité a récemment été défrayée par une jeune automobiliste sous l’emprise de protoxyde d'azote, ayant fauché plusieurs piétons sur les Champs-Elysées.

Certains jeunes développeraient même des troubles graves, après seulement quelques mois de consommation. 

Utilisé pour les syphons à chantilly, ce gaz est peu coûteux et s'achète en supermarché. Inhaler ces ballons remplis de gaz hilarant est devenu de plus en plus courant dans les soirées entre jeunes. Sofyan a 21 ans, il a testé pour la première fois le protoxyde d’azote il y a 6 mois, lors d’une soirée. 

Un produit anesthésiant détourné

"Pour nous, ce n'est pas une drogue, ce n'est pas interdit. C’est pour ça qu’on en voit partout.  Personnellement, ça me faisait pas mourir de rire, ça me calmait, on ne pense à rien, on oublie ce qu'on a dans la tête, ses pensées. Vu que moi je ne bois pas, je ne fume pas, je me suis dit, c’est un autre truc qui me permet d’être dans un délire mais sans me tuer de quelque chose", explique Sofyan.

Ce gaz n’est pas sans danger. Il est utilisé à l’hôpital comme anesthésiant, associé à de l’oxygène, son dosage y est strictement encadré. 

"Plus vous allez utiliser ce produit seul en dehors d’un cadre médical, plus vous allez multiplier les effets secondaires, les effets respiratoires, complètement dommageables, les effets sur le cœur qui peuvent aller jusqu’à l’arrêt cardiaque, les effets neurologiques avec des troubles de la coordination, motrice, des troubles de la sensibilité, explique le Dr Mourad Benyamina, réanimateur à l'hôpital St Louis".  

Des effets secondaires qui ne font pas rire

C’est le cas de Sofyan, qui après 6 mois de consommation tous les week-end, développe des troubles de la marche. Il est alors orienté vers un neurologue.  

Le neurologue connait bien les signes d’intoxication au protoxyde d’azote. Cela fait plusieurs mois qu’il les constate sur ses jeunes patients : marche difficile, problèmes d’équilibre ...

"Le protoxyde d’azote vient oxyder la vitamine B12. La vitamine B12 est très importante pour fabriquer et maintenir la myéline. La myéline est une gaine qui permet de faire passer l’influx nerveux et donc c’est indispensable pour la marche, pour sentir et pour bouger, explique le Dr Thierry Gendre, neurologue à l'hôpital Henri Mondor". 

"Ça peut nous tuer notre santé pour de vrai"

Le traitement proposé dans ces cas est de la vitamine B12 par injection. 

"C’est grave. Ça peut nous tuer notre santé pour de vrai. On est jeune. Si demain on ne peut plus marcher en vrai notre vie est foutue, s'inquiète Sofyan". 

Dans certains cas, l’effet du protoxyde d’azote se voit même à l’IRM

" Voici une IRM de la moelle épinière, elle passe dans toute la colonne vertébrale. Elle sert à transmettre toutes les informations de l’équilibre, de la marche, de la sensibilité donc est extrêmement importante. Si je vous montre une IRM d’un patient qui a consommé beaucoup de protoxyde d’azote, on voit ici ce petit triangle blanc en V inversé, à l’arrière de la moelle épinière, qui traduit une souffrance des cordons où passent les voies de l’équilibre, commente le Dr Thierry Gendre, neurologue".

Des recherches sont en cours pour mieux comprendre ce mécanisme. Depuis le mois de juin dernier, la vente de protoxyde d’azote est interdite aux mineurs.