Catherine Bertrand, survivante du Bataclan : "J’ai dessiné ce qui se passait dans ma tête"

La jeune femme entend sensibiliser au trouble de stress post-traumatique par la vulgarisation. Sur Twitter comme en bande dessinée, elle témoigne et informe. 

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
© Catherine Bertrand / Éditions La Martinière
© Catherine Bertrand / Éditions La Martinière  —  © Catherine Bertrand / Éditions La Martinière

"Tous les jours. Tous les jours, je traque la fameuse photo du Bataclan après l'attentat, sur Twitter. J'ai fait des dizaines de signalements. Je voudrais que cette photo disparaisse à jamais..."

Le 30 juillet, Catherine Bertrand a lancé un cri du cœur. La jeune femme était présente lors de l’attentat du Bataclan, il y a maintenant plus de trois ans. Si elle s’en est sortie indemne physiquement, les séquelles psychiques, insoutenables, perdurent. Et les photos de l’événement, encore partagées en masse sur Twitter, ravivent constamment ses souvenirs.

"Je vois cette photo réapparaître quotidiennement, postée par de nouvelles personnes, dans toutes les langues. Je la signale depuis des années" raconte Catherine. Le jeune femme ne regarde même plus le cliché, elle le devine. Un enfer pour elle, comme pour les autres survivants. "On me dit cette photo fait partie de l’histoire, et c’est vrai, mais je voudrais qu’elle ne soit visible que par les personnes qui le souhaitent", développe-t-elle.

"J’ai dessiné ce qui se passait dans ma tête"

Hors des réseaux sociaux, Catherine Bertrand milite par le dessin. Son objectif : faire connaître le trouble de stress post-traumatique (TSPT) à grande échelle, une maladie psychique éminemment complexe dont elle souffre depuis l’attentat. À 38 ans, cette ancienne archiviste s’est reconvertie dans le graphisme, et a publié une bande dessinée intitulée Chroniques d'une survivante aux éditions La Martinière. "J’ai dessiné ce qui se passait dans ma tête. Ça m’a permis d’expliquer à mon entourage pourquoi j’avais besoin de m’isoler, pourquoi j’étais en décalage" se souvient-elle.

© Catherine Bertrand / Éditions La Martinière

Elle-même a découvert l’existence du TSPT quand elle en a été victime. Ce trouble anxieux survient après un événement traumatisant, qu'on en soit victime ou témoin. Les symptômes apparaissent progressivement : cauchemars, flashbacks... Ces souvenirs provoquent un changement d’état émotionnel et physique. La victime s’isole et évite tout ce qui pourrait lui rappeler l’événement. "J’avais des hallucinations auditives. Mon cerveau pouvait interpréter des bruits et les transformer en sirènes de pompiers, par exemple" se rappelle Catherine.

"Je suis devenue assez asociale"

Pour se préserver, elle ne regarde plus la télé, n’écoute plus la radio, et lit très peu la presse. "Je suis devenue assez asociale. Je reste pas mal chez moi" confie la jeune femme. Aujourd’hui toutefois, grâce à une prise en charge psychiatrique et psychologique et le soutien de ses proches, elle constate une amélioration de son état. "Mais ce n’est pas parce que c’est parti que ça ne peut pas revenir. Ça dépend aussi de ma forme physique ou de l’actualité" nuance la graphiste.

© Catherine Bertrand / Éditions La Martinière

Quoiqu’il en soit, Catherine se sent aujourd’hui prête à passer un cap : celui de la reconnexion avec ses amis – et avec leurs soucis quotidiens. 'Qu’ils me parlent de leurs problèmes, je n’attends que ça ! Je veux sentir moins exclue. Je peux être disponible pour eux, dans la mesure du possible. Et ça, c’est assez nouveau" se réjouit-elle. La trentenaire est également plus disposée à se confier, ce qu’elle considère comme une victoire. Une occasion de faire comprendre à ses proches le fonctionnement du TSPT et ses conséquences sur la vie quotidienne. Catherine constate en effet que ce trouble reste très peu connu des Français, même après les attentats de 2015. "Il faut qu’on informe les gens. D’autant que la plupart des victimes sont dans le déni. Aux États-Unis, tout le monde est au courant que ça existe !" s’énerve-t-elle.

Aussi Catherine espère-t-elle que son livre provoquera une prise de conscience. Par ses dessins au trait enfantin, elle entend vulgariser ses troubles anxieux, et ainsi toucher le plus de monde possible. "Le TSPT, c’est très vicieux, parce que c’est une blessure invisible. C’est pour ça que dans mon livre, je la représente par un boulet gros, massif", développe la graphiste. Un boulet qui a changé durablement la personnalité de Catherine. Avec du positif toutefois : "Avant l’attentat, je n’osais pas aller au bout des choses. Maintenant, je sais ce que je veux dans la vie. Je ne m’interdis plus rien parce que je n’ai plus rien à perdre."