#JeNeSuisPasUnVirus : la communauté asiatique dénonce une vague de racisme à son encontre

Avec l'arrivée du coronavirus en France, la communauté asiatique se dit victime d'une forme de "racisme ordinaire" symbolisée par l'apparition d'un nouvel hashtag sur les réseaux sociaux. Témoignages et explications d'un psychiatre.

Lucile Boutillier
Rédigé le , mis à jour le
Chengwang a participé au hashtag #JeNeSuisPasUnVirus
Chengwang a participé au hashtag #JeNeSuisPasUnVirus

Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, Prescillia se sent oppressée dans les transports. « Ça fait plusieurs fois que je vois les gens réagir à mon arrivée. Ils me regardent fixement avec un regard inquiet et la plupart du temps ils s'éloignent », raconte cette Française d’origine polonaise et vietnamienne.

« Il y a deux jours, une mère a éloigné son enfant assis à côté de moi dans le métro en lui disant dans l'oreille ‘la dame peut avoir une grande maladie alors ne te mets pas près d'elle’ », décrit la jeune femme, qui n’a jamais mis les pieds en Chine. « Elle n’avait pas vu que j’avais coupé la musique de mes écouteurs. Cette attitude m'a vraiment blessée. » Prescillia n’est pas la seule à avoir vécu ce genre d’expérience, et de loin.

« Dans le bus, quelqu'un s'est éloigné de moi », s’inquiète Chengwang. Originaire de Chine, il vit en France depuis quatre mois, bien avant le début de l’épidémie. « Mon ami chinois a porté un masque dans la rue. Un groupe de jeunes Françaises a crié. Mais il n’est pas malade, il portait un masque seulement pour se protéger parce qu'il a peur du virus aussi, avec les trois cas en France », explique-t-il.

 

Un comportement d’évitement face à l’épidémie

« Les comportements d’évitement face à des asiatiques ne m’étonnent pas », explique Florian Ferreri, psychiatre à l’hôpital Saint Antoine de Paris. La menace identifiée est le virus, mais aussi son point d’origine. Donc avec les conduites d’évitement liées à la peur, on s’éloigne de ce qu’on assimile à une menace. »

La stigmatisation de personnes typées asiatiques n’a aucun fondement médical. « Les mesures de précaution et de préoccupation s’appliquent à toute la population. Il faut se protéger du risque de transmission d’un virus au sens large », rappelle le psychiatre. « Aucune recommandation ne préconise d’éviter une population particulière, en dehors de celle qui revient de la zone d’origine du virus. »

Et les conséquences sur les victimes de racisme ?

« Sans savoir quelles proportions cela va prendre, il y aura d’abord un agacement, et non une pathologie anxieuse grave », tempère Florian Ferreri à porpos des personnes se sentant discriminées. « Mais quand on se sent exclu, observé, jugé, cela peut être très perturbant. Si la situation dure, elle pourrait aboutir à des manifestations de stress, voire à des besoins d’isolement ou de repli, qui auront un impact sur le moral des personnes. »

Rowmim, quant à elle, ressent déjà cet agacement. « J’ai l'impression de recevoir des mauvais regards dans les transports. Je n'en connais pas la raison, mais il est triste que j'en vienne à me demander si c'est parce qu’ils ont peur que j’aie le virus », regrette cette Française originaire de Chine. Selon elle, le virus accentue le racisme ordinaire qu’elle subit depuis son enfance.

« Le hashtag est une libération de la parole des victimes », revendique Rowmim. Comme elle, Audrey soutient les premières prises de parole. Selon cette Française originaire d’Asie du sud-est, il s’agit d’un moyen de visibilité pour tenter de lutter contre le racisme anti-asiatique.

« Il faut comprendre qu’un asiatique n’est pas forcément chinois, qu’il n’a pas forcément le coronavirus », s'insurge Audrey. On craint qu’à cause de la maladie, des mauvaises personnes se mettent à déverser leur racisme. »