Hyperandrogénie : la Cour européenne des droits de l'homme donne raison à Caster Semenya

L’athlète hyperandrogène a gagné une bataille contre la Fédération internationale d'athlétisme, qui a défini un seuil maximal de testostérone pour concourir avec les femmes. Elle n’est cependant pas autorisée à reprendre les compétitions.

Mathieu Pourvendier avec AFP
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En 2016, aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro au Brésil, Caster Semenya remporte son 2e titre olympique du 800 mètres après celui obtenu à Londres
En 2016, aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro au Brésil, Caster Semenya remporte son 2e titre olympique du 800 mètres après celui obtenu à Londres  —  Shutterstock

Une première victoire. L'athlète sud-africaine Caster Semenya a remporté une bataille judiciaire mardi 11 juillet contre la Suisse, devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui l'estime victime de discrimination. À 32 ans, la sportive hyperandrogène est empêchée de participer à certaines courses parce qu'elle refuse un traitement pour faire baisser son taux de testostérone

L'hyperandrogénie est en effet un désordre hormonal qui provoque une production excessive par les ovaires et les glandes surrénales d'hormones androgènes, notamment de testostérone. Les femmes qui en souffrent présentent un morphotype masculin. 

Un arrêt qui n’invalide pas le règlement

La justice helvète avait confirmé en 2020 une décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) validant un règlement de la Fédération internationale d'athlétisme (World Athletics, ex-IAAF). 

Celui-ci oblige l'athlète hyperandrogène, double championne olympique du 800 m, à prendre un traitement hormonal pour faire baisser son taux de testostérone si elle veut s'aligner sur sa distance fétiche. 

Cet arrêt de la CEDH n'invalide toutefois pas le règlement de World Athletics et n'ouvre pas directement la voie à une participation de Semenya aux compétitions sans traitement. "La règlementation actuelle sur les DSD (différences du développement sexuel, NDLR), approuvée par le Conseil de la Fédération internationale en mars 2023, reste en place", a en effet précisé l'instance à l'AFP. 

"Discrimination fondée sur le sexe"

"La Suisse a outrepassé la marge d'appréciation réduite dont elle jouissait dans le cas d'espèce qui portait sur une discrimination fondée sur le sexe et les caractéristiques sexuelles, laquelle ne peut être justifiée que par des « considérations très fortes »", a affirmé la cour basée à Strasbourg dans un communiqué de presse. 

"L'enjeu significatif de l'affaire pour la requérante et la marge d'appréciation réduite de l'État défendeur auraient dû se traduire par un contrôle institutionnel et procédural approfondi, dont la requérante n'a pas bénéficié en l'espèce", a-t-elle poursuivi. 

Dans une décision rendue avec une courte majorité de quatre juges contre trois, la CEDH considère ainsi que la Suisse a violé plusieurs articles, dont l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, relative à l'interdiction de la discrimination. 

"Nous allons encourager les autorités suisses à se tourner vers la Grande Chambre" de la CEDH, sa formation suprême qui officie comme une cour d'appel et rend des décisions définitives, a réagi la Fédération internationale d'athlétisme.

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Un moyen de "protéger une compétition équitable"

"Notre point de vue reste que les règlements relatifs aux DSD sont un moyen nécessaire, raisonnable et proportionné de protéger une compétition équitable dans la catégorie féminine" a encore réagi la Fédération dans un communiqué. 

"Victoire, la CEDH se prononce en faveur de Caster", a de son côté réagi sur Twitter la chercheuse indienne Payoshni Mitra, l'une des responsables du Centre pour le sport et les droits humains, soutien de longue date de Caster Semenya. "C'est énorme. Le monde du sport doit prêter attention à cette décision de référence, de même que les pays d'Europe de l'Ouest où sont basées la plupart des institutions sportives" poursuit-elle.

Caster Semenya, à défaut de pouvoir courir sur sa distance préférée du 800 m, avait tenté de se reconvertir sur des distances plus longues comme le 5 000 m, initialement non concernées par la règlementation DSD. Mais World Athletics a encore durci son règlement en mars dernier pour les athlètes intersexes comme Caster Semenya, qui doivent désormais maintenir leur taux de testostérone sous le seuil de 2,5 nanomoles par litre pendant 24 mois pour concourir dans la catégorie féminine, peu importe la distance. 

Une athlète transgenre privée de JO
Une athlète transgenre privée de JO  —  Le Mag de la Santé - France 5