JO : Champion(ne) classé XX

Un nouveau test de féminité s’invite aux JO de Londres après un retrait de plus de 10 ans. Basé sur un dosage de la testostérone, son principe est contesté par des scientifiques dans un article de la revue The American Journal of Bioethics. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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JO : Champion(ne) classé XX

Au centre de la polémique, le porte-drapeau de l’Afrique du sud, Caster Semenya. En 2009, sa féminité avait mise en doute en raison de sa victoire spectaculaire en finale du 800m à Berlin. La jeune femme noire de 21 ans, à la morphologie masculine, avait dû subir des tests anti-dopage mais aussi des analyses pour prouver qu’elle était bien une femme. L’opinion publique en Afrique du Sud avait été scandalisée et avait dénoncé un acte raciste. Caster Semenya est en réalité atteinte d'hyperandrogénie, un désordre hormonal complexe qui provoque une production excessive par les ovaires et les glandes surrénales d’androgènes, notamment de testostérone. L’un des signes en est justement un morphotype masculin.

Depuis cet incident, la Fédération internationale d'athlétisme a officiellement autorisé les femmes atteintes d'hyperandrogénie à participer aux compétitions. Mais pour éviter toutes contestations des résultats et les incidents diplomatiques, le CIO (comité international olympique) a mis en place un nouveau test, afin de vérifir si l’hyperandrogénie d’une athlète lui donne un avantage sportif par rapport aux autres athlètes féminines. Ces femmes pourront donc participer aux compétitions uniquement si elles affichent un niveau d'androgènes inférieur aux valeurs enregistrées chez les hommes.

Mais les scientifiques du centre d’éthique biomédicale de Stanford (Etats-Unis) contestent la fiabilité du nouveau test de féminité. Selon eux, le rapport entre testostérone et performances sportives n’a pas été démontré de façon indiscutable.

La testostérone a des effets variables, comme le souligne le Dr Linh Vu-Ngoc médecin du sport à la Fédération Française de Triathlon : « Quand il y a des épreuves sportives, des contrôles antidopage sont réalisés sur un athlète sur trois et systématiquement pour tous les podiums. La testostérone fait partie de la liste des produits dopants, car c’est un anabolisant qui augmente le développement de la masse musculaire, la force et la puissance... Elle devient un avantage dans certaines disciplines comme la course et un inconvénient dans d’autres comme la gymnastique. »

Mais le problème est bien plus vaste. Dans le cas des femmes androgéniques, cette testostérone est produite naturellement, de manière involontaire. Il n’y a donc aucune tricherie, et on ne peut pas assimiler ce phénomène avec le dopage. Ce nouveau test devient donc un critère d’exclusion, pour le Dr Linh Vu-Ngoc : « Ca soulève encore une fois la question de la catégorisation des athlètes. Il y a des différences génétiques entre les athlètes et pas seulement entre hommes et femmes. Par exemple, les sportifs noirs ont plus de fibres courtes, ce qui les rends meilleurs dans le sprint, tandis les caucasiens, ont plus de fibres lentes et sont meilleurs en endurance et en marathon. » Il semble en effet paradoxal de sanctionner les sportifs pour leurs avantages naturels : « On se posera toujours en sport la question de la normalité. Jusqu’où aller pour maintenir ce que l’on considère comme un sportif « normal »? Ce n’est pas ce test qui va y répondre. Le cas d’Oscar Pistorius l'athlète sud-africain dont les jambes amputées ont été remplacés par des prothèses en carbone a aussi surpris. A-t-il le droit de courir avec des athlètes valides ? Ces prothèses ne lui donneraient-elles pas un avantage ?  Finalement, est-ce qu’on naît champion, ou est-ce qu’on devient champion ? Et que vont faire certains pour repousser les limites humaines ? ».

Au centre de la question, l’avenir du sport. Doit-on craindre des tentatives de manipulations génétiques pour donner un avantage “naturel” à des futurs bébés champions ?

Source : "Out of Bounds? A Critique of the New Policies on Hyperandrogenism in Elite Female Athletes", The American Journal of Bioethics, juin 2012. Doi: 10.1080/15265161.2012.680533

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