Pourquoi un tribunal a-t-il demandé le retrait de compteurs Linky?

La justice a reconnu un préjudice lié aux compteurs Linky pour des personnes déclarées électro-hypersensibles. Une décision unique en France, alors que l'électro-hypersensibilité n’est pas officiellement reconnue comme une maladie.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Un juge demande de "procéder au retrait" ou "de ne pas installer" neuf compteurs Linky
Un juge demande de "procéder au retrait" ou "de ne pas installer" neuf compteurs Linky

Un état de fatigue chronique” et “des difficultés de sommeil”... Ces symptômes décrits dans un certificat médical et ressentis par un enfant de sept ans déclaré électro-hypersensible peuvent “être en rapport avec l’utilisation d’un compteur Linky”, selon le Tribunal de grande Instance de Tours. Celui-ci demande donc à Enedis de “procéder au retrait” du compteur intelligent ou “de ne pas l’installer” chez 13 particuliers.

"La première décision de justice à reconnaître les victimes d'EHS"

Lors de ce procès qui s'est clôturé le 30 juillet, 140 personnes étaient opposées à la pose d'un compteur Linky. Mais seules 13 plaintes ont été jugées recevables pour des “raisons médicales”. Elles concernent neuf points de livraison, c'est-à-dire neuf foyers. Les personnes concernées “souffrent notamment de palpitations ou de picotements”, a expliqué à Allodocteurs.fr leur avocat, Me Arnaud Durand. Ces personnes se déclarent électro-hypersensibles. 

Pour Me Durand, ce délibéré est “une victoire, car c’est la première décision de justice à reconnaître les victimes d'EHS [électro-hypersensibilité, ndlr] et la quatrième à reconnaître les problèmes de santé liés à l’utilisation du compteur Linky”.

"Ces tests ne reposent pas sur des données scientifiques validées"

Pourtant, en France, l'électro-hypersensibilité reste un sujet extrêmement controversé. “En l’état actuel des connaissances, l’EHS n’est pas considérée dans le système médical comme une maladie donnant droit à une prise en charge et il n’existe pas d’outils de diagnostic reconnus" nous expliquait le 2 avril 2019 Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques aux agents physiques à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Selon Me Durand, plus que les certificats médicaux, ce sont les imageries médicales et les analyses biologiques qui ont renforcé les plaintes de ses clients. Chez ces personnes, “les analyses sanguines montrent que des marqueurs inflammatoires augmentent quand ils sont exposés aux ondes et baissent à l’inverse” détaille-t-il. Cependant, d’après Olivier Merckel, "ces tests ne reposent pas sur des données scientifiques validées. Aujourd’hui, il n’existe pas de test biologique ou comportemental au fondement médical sérieux”.

13 plaintes concernant neuf foyers... pour un seul compteur installé

Précision importante concernant cette décision de justice, un seul des compteurs mis en cause n'avait réellement été installé, celui du domicile de l’enfant de sept ans. Il devrait être retiré d’ici trois mois. Pour les huit autres cas, le juge a demandé à Enedis de ne pas procéder à la pose du Linky (il n'est donc pas question de retrait).

Comment ces plaignants peuvent-ils parler d’effets indésirables liés au "compteur intelligent" sans y avoir été exposés ? Me Durand explique que certains de ses clients déclarent “être déjà électro-hypersensible depuis quelque temps, notamment à cause d’une surexposition aux antennes relais”. Les autres personnes concernées auraient “découvert cette EHS en étant à proximité de zones pourvues en compteurs Linky”. 

Un lien de causalité non prouvé scientifiquement

"Aucun lien de causalité entre les symptômes des EHS et leur exposition aux ondes n’a pour le moment pu être établi", rappelle toutefois Olivier Merckel. Par ailleurs, le spécialiste de l’Anses reconnaît que la situation appelle des mesures : "Même si le lien de causalité n’est pas prouvé, nous sommes obligés de constater que le problème existe. Les personnes qui perçoivent et vivent ces symptômes ont besoin de solutions et d'une prise en charge."

Dans son avis sur le compteur Linky publié en décembre 2016, puis mis à jour en juin 2017, l’ANSES précisait également que “les niveaux d’exposition au champ électromagnétique produit par le compteur apparaissaient comparables à ceux d’autres équipements électriques déjà utilisés dans les foyers et dans tous les cas très inférieurs aux valeurs limites d’exposition réglementaires”.

À la suite de cette décision, Enedis “reste convaincue de l’innocuité des compteurs et compte faire appel de la décision”. L’entreprise parle “de cas extrêmements rares” et assure “mettre en oeuvre un accompagnement spécialisé”. À ce jour, plus de 20 millions de foyers sont équipés d’un compteur Linky en France, soit un foyer sur deux.