Amiante à Jussieu : 26 ans de procédure et un non-lieu

Il y a quelques jours, la justice a prononcé un non-lieu après plus de vingt-six ans de procédure. Les associations de victimes sont en colère et attendent désormais les résultats de leur dernier recours, examiné en juin prochain. Reportage.

Emilie Spertino
Rédigé le , mis à jour le
Jussieu : les victimes de l'amiante en colère
Amiante à Jussieu : 26 ans de procédure et un non-lieu  —  Le Magazine de la Santé

"C’est une photo de 1964, c'est ma mère à l’époque où elle a commencé à enseigner", montre Nicolas Joly. Françoise Joly était chercheuse en physique à l’université de Jussieu. Elle y a passé plus de trente ans.   

"Ma mère est décédée des suites d’un cancer du poumon qui a été développé après avoir travaillé pendant des décennies sur le site de Jussieu", explique Nicolas.   

Le rôle de l’amiante dans la maladie de Françoise a été très vite été établi par les médecins. Il est même mentionné que l’expert établit un lien de causalité certain entre ce cancer bronchique et les lieux et conditions d’exercice de son emploi d’enseignant chercheur.   

"C’est important sur le plan individuel pour pouvoir mettre une cause sur la maladie et c’est plus important encore collectivement pour dénoncer des problèmes de santé publique", déclare Nicolas.  

26 ans de procédure

Aujourd’hui, Nicolas Joly est partie civile dans le procès contre l’amiante à Jussieu. Il a de moins en moins d’espoir de voir aboutir sa plainte.   

"Le problème, c’est que tout est fait pour qu’il n’y ait jamais de procès concernant l’amiante en France. En Italie, il y a eu cinq ans de procédure, ça a fini par déboucher sur un procès et sur des condamnations. En France, on en est à 26 ans de procédure et ça finit vers un non-lieu", se désole Nicolas.  

Ce non-lieu, la justice française l’explique par l’"impossibilité scientifique (…) de déterminer (…) à quel moment ou même à quelle période intervenait la contamination". C'est un argument que réfute le collectif Anti-Amiante de Jussieu.   

"Ce qu’on prétend chercher, c’est l’instant où se serait produit la contamination qui amènerait à un cancer trente ans ou quarante plus tard. Cela n’a vraiment pas de sens d’aller chercher ça. C’est comme, pour un cancer bronco-pulmonaire, aller chercher quelle est la cigarette responsable du cancer bronco-pulmonaire", explique Michel Parigot, président du comité anti-amiante de Jussieu.

L'amiante pourrait causer 1.600 décès par an

Le processus de contamination à l’amiante peut prendre jusqu’à plusieurs décennies.   

"Les fibres d’amiante vont entrer par inhalation dans le poumon et vont ensuite migrer des voies respiratoires vers l’extérieur du poumon mais aussi vers le péricarde ou ailleurs. C’est cette migration lente des fibres d’amiante qui va être responsable d’un certain nombre de pathologies pulmonaires dont des pathologies malignes", confie le Dr Gilles Dixsaut, président du Comité National contre les Maladies Respiratoires.

Selon les associations de victimes, 1 600 personnes pourraient décéder d'une maladie liée à l'amiante chaque année en France d'ici 2050. 

Pour en savoir plus :  
Fonds d'Indemnisation des Victimes de l’Amiante
Association ANDEVA