Cancers de l'enfant : les thérapies ciblées ont de l'avenir

L'analyse de prélèvements réalisés chez l'enfant révèle que trois tumeurs cancéreuses sur dix ont des cibles moléculaires qui pourraient être actionnées par des molécules utilisées pour traiter des cancers chez l'adulte. Cette conclusion, à laquelle sont parvenues de manière indépendante trois études présentées dimanche et lundi au congrès de cancérologie de l'ASCO, confirme l'intérêt de développer la médecine personnalisée pour les enfants.

Florian Gouthière
Rédigé le
Cancers de l'enfant : les thérapies ciblées ont de l'avenir

Les cancers de l'enfant sont très différents de ceux de l'adulte. Leur déclenchement, chez les premiers, est souvent associée à des dysfonctionnements de la croissance de l'organisme (parfois au niveau embryonnaire), tandis qu'ils sont plus volontiers provoqués par une exposition prolongée des substances cancérigènes chez les seconds. De fait, une leucémie de l'enfant n'a de commun avec celle de l'adulte que le nom.

En conséquence, les traitements que l'on est susceptible d'apporter à ces maladies sont différents de ceux qui conviennent aux autres formes de cancers. Il faut ajouter à cela que l'organisme de l'enfant étant en croissance, certaines stratégies thérapeutiques sont inadaptées (avec des risques d'effets secondaires à court ou long termes parfois très handicapants).

Chez l'adulte, deux tumeurs touchant le même organe peuvent provenir de dysfonctionnements cellulaires très différents. Inversement, deux cancers touchant des organes différents peuvent avoir pour origine une anomalie commune (voir encadré).

Des études ont déjà démontré que certains cancers de l'enfant ont, eux aussi, des anomalies moléculaires communes avec des cancers de l'adulte. Par exemple, certaines tumeurs cérébrales de l'enfant sont associées à la mutation d'un gène connu pour causer des mélanomes chez l'adulte. Certains traitements ciblés efficaces pour les seconds ont démontré leur potentiel pour soigner – avec un protocole thérapeutique néanmoins très différent – les premiers.

Des résultats concordants

Trois équipes d'onco-pédiatrie (deux étasuniennes et une française) ont présenté au congrès de l'ASCO les résultats d'analyses de biopsies effectuées, indépendamment, sur 50 à 100 jeunes patients atteints de formes de cancers très variés. Les trois groupes de chercheurs ont dressé le portrait moléculaire de ces tumeurs, c'est-à-dire qu'ils ont déterminé toutes les molécules qui, à la surface ou au cœur des cellules, étaient responsables du comportement cancéreux.

Ces trois études indépendantes démontrent que, trois fois sur dix, les molécules incriminées sont déjà les cibles de traitements chez l'adulte. "Il s'agit de cibles potentiellement actionnables", commente pour nous le professeur Gilles Vassal, directeur de la recherche clinique à l'Institut Gustave Roussy, qui a présenté l'étude française au congrès.

"Cela ne signifie bien sûr pas que les médicaments efficaces chez l'adulte le seront aussi chez l'enfant", poursuit-il. "Mais comme les cancers de l'enfant sont rares, financer le développement de molécules spécifiques est difficiles. Or, ces travaux démontrent qu'il y a, dans de nombreux cas, des molécules déjà disponibles qu'il suffit, en somme, de tester dans des essais cliniques. Les enfants pourront, sans aucun doute, bénéficier de thérapies ciblées pour certains cancers, au même titre que les adultes."

Au cours du congrès de l'ASCO, de nombreuses présentations entretiennent l'espoir nourri, quelques années plus tôt, par la publication des premiers résultats sur l'efficacité des thérapies ciblées. On ne peut que se réjouir du fait que les cancers de l'enfant soient, eux aussi, susceptibles de bénéficier largement de ces progrès.

 

Présentations scientifiques de référence :

 

VOIR AUSSI

 

L'activation d'un récepteur à la surface d'une cellule entraîne une chaîne d'évènements moléculaires qui permettent à cette cellule de réagir de façon adéquate. Une anomalie à n'importe quel point de cette chaîne peut engendrer des comportements anarchiques de la part de la cellule.

Deux cancers localisés dans des organes très différents peuvent être causés par le dysfonctionnement du même "maillon", et peuvent donc théoriquement être traité de la même façon – c'est-à-dire en ciblant avec une molécule spécifique ce point précis de la chaîne de communication intracellulaire.