Suicide des agriculteurs : "Ce travail ne vaut pas une vie"

La profession d'agriculteurs est en souffrance. Selon une étude de Santé publique France réalisée en 2016, un agriculteur se suicide tous les deux jours dans l’Hexagone. Rencontre avec une famille endeuillée.

Lucile Degoud
Rédigé le
Suicide chez les agriculteurs : une famille témoigne
Suicide chez les agriculteurs : une famille témoigne  —  Le Mag de la Santé - France 5

Pour s'occuper d’une centaine de vaches limousines et de 300 hectares de terrain, Jean-Simon Vuzé ne ménage pas sa peine, 7 jours sur 7.

Le jeune éleveur de 29 ans sait qu’il doit se préserver. Jean-Simon l’a appris à ses dépens, lorsque son père, avec qui il travaillait, s’est donné la mort, il y a deux ans. 

"Du jour au lendemain, la vie bascule"

"Aujourd’hui, on fait comme on peut pour avancer. C'est très dur moralement, physiquement aussi, comme si j’avais pris 10 ans d’un coup. La pression n'est plus du tout la même. Toutes les responsabilités me sont tombées sur le coin du nez d’un coup. C'est un combat de tous les jours même deux ans après", explique Jean-Simon.

Propriétaire de l’exploitation, Vincent s’est suicidé avec une arme à feu, sur ses terres, à 52 ans, laissant derrière lui sa femme et ses deux enfants.

"Le suicide, c’est ça, c’est du jour au lendemain, la vie bascule. On rentre dans un cauchemar, on se dit que ce n'est pas vrai, on se dit pourquoi ? Moi, je l’aime, on s’aime, alors pourquoi ?", interroge Caty Vuzé.

Absence de salaire, de reconnaissance, dettes...

"C'était pas du tout dans son tempérament d’en arriver à cette solution-là, si on peut appeler ça une solution, à ce geste-là", précise Jean-Simon Vuzé.

"Quand j’ai vu son courrier, il mentionne bien qu’il n'en peut plus de son travail, que c’est devenu insupportable, qu'il était à bout, qu’il n'avait plus la force de se battre contre tout", renchérit Cathy Vuzé.  

Ses proches n’ont rien vu venir. Mais derrière le sourire de Vincent, il y a une souffrance devenue insupportable. Des dettes qui s’accumulent, un salaire lui inexistant et un manque de reconnaissance... 

"Papa n'avait plus cette confiance en demain"

"Il aimait ce travail, c’était une passion, mais ça ne vaut pas une vie. Je pensais que notre amour aurait été plus fort que ce boulot-là", confie Cathy.

"J’avais confiance en l’avenir, mais papa n'avait plus cette confiance en demain", conclut Jean-Simon.

À quelques pas du lieu du drame, ce chêne a été planté en hommage à Vincent, parti trop tôt pour ses terres.