Simuler un orgasme, des différences entre hommes et femmes

Les chercheurs tentent de trouver les nombreuses raisons menant à la simulation et révèlent que si les hommes simulent comme les femmes, ils présentent quelques différences.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
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capture d'écran.
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La simulation, une affaire de femmes ?

Dans une enquête IFOP de 2014 intitulée "Les Françaises et l'orgasme", les résultats montraient qu'une femme sur 3 n'avait pas eu d'orgasme lors de son dernier rapport (soit 5 fois plus que les hommes). Elles étaient aussi 63% à avoir déjà simulé l'orgasme au cours de leur vie, dont près d'une sur 10 qui confiaient le faire souvent. En couple, les chiffres passaient à 52% et 6% souvent.

Dans une étude publiée en 2014, Erin Cooper avait détaillé les raisons de 481 femmes d'orientation sexuelle hétérosexuelle prédominante, d'un âge moyen de 20 ans, qui avait déjà simulé au moins une fois durant la pénétration ou un cunnilingus (l'auteur précise avoir étudié dans un travail non accessible en ligne et publiée en 2010 les femmes homosexuelles et bisexuelles, qui simulaient autant, voire plus, sans entrer précisément dans les détails – Cooper, 2010). Les jeunes femmes, sexuellement actives mais pas dans une relation sérieuse, analysaient les facteurs influençant leur décision à simuler un orgasme. Quatre grandes raisons étaient retrouvées par ordre décroissant d'importance :

  • L'altruisme (parce qu'elles se préoccupaient des sentiments de leur partenaire)
  • L'ajournement (pour terminer l'acte sexuel)
  • L'augmentation de l'excitation (pour accroître leur propre excitation)
  • La peur et l'insécurité (pour éviter les émotions négatives associées à l'expérience sexuelle)

Les chercheurs évaluaient que la simulation était soutenue par des buts psychologiques importants, et pas forcément négatifs puisqu'elle servait parfois à promouvoir la relation ou favoriser le plaisir sexuel. A lire aussi : je simule l'orgasme pendant nos rapports

Simuler pour garder son partenaire ?

Les féministes avaient été indignées mais en 2012, des chercheurs avaient testé l'hypothèse que certaines femmes simulaient pour retenir leur mâle et manipuler leur comportement (l'équipe partait du constat que l'orgasme féminin pourrait retenir le sperme du partenaire et favoriser la reproduction, ils plaçaient la simulation dans le prisme des stratégies mises en place par Dame Nature). 453 femmes hétérosexuelles dans une relation de longue durée avaient reporté leurs orgasmes simulés ou non. Conclusions des auteurs : près de 54% avaient déjà simulé et les femmes qui percevaient un haut risque d'infidélité de leur partenaire avaient davantage tendance à simuler pour stimuler l'intérêt de leur partenaire. Ils reconnaissaient toutefois quelques faiblesses méthodologiques (la fiabilité des scores chiffrant la perception de l'infidélité par exemple), ils ne pouvaient pas affirmer que la perception de l'infidélité serait bien la cause de la simulation et d'autres facteurs n'avaient pas été pris en compte (traits de personnalité, sexualité, histoire personnelle).

De façon étrange, l'hypothèse des hommes simulant davantage en cas d'infidélité des femmes n'a pas été étudiée mais les études retrouvent que certains simulent par peur de perdre leur partenaire...

Les hommes aussi

Si simuler a longtemps été considéré comme l'apanage exclusif des femmes, les études révèlent que la simulation est loin d'être une affaire de femmes. Certes, la gent masculine simule moins fréquemment que les femmes mais ils utilisent bien cet artifice pour différentes raisons. Précisons que l'éjaculation étant un réflexe, elle est impossible à simuler mais qu'avec quelques gémissements et soubresauts, le tour est joué concernant l'orgasme. 

Dans une étude publiée en 2016 et portant sur 230 hommes âgés de 18 à 29 ans (86,5% se déclarant hétérosexuels, 11,8% bisexuels et 1,7 autre), les hommes simulaient en moyenne une fois sur quatre ; ils le faisaient dans toutes les pratiques sexuelles mais le plus souvent durant la pénétration. Un partenaire inadapté ou une mauvaise expérience sexuelle influençaient fortement le risque de simuler, comme la logique le voudrait !

Cette étude permet de comprendre que comme pour les femmes, des facteurs sexuels mais aussi relationnels entrent en jeu. La encore, les motivations sont tournées soit vers la partenaire (par crainte de la perdre s'il ne jouissait pas, pour la rendre heureuse, parce que son orgasme à elle était imminent), soit vers soi (pour apparaître ou se sentir sexy, par manque d'envie).

Plus un homme simulait souvent, plus sa satisfaction sexuelle au sein de sa relation était élevée. Il feindrait alors l'orgasme pour correspondre à ce que l'on attend de lui, par exemple avoir un orgasme à chaque fois (les hommes aussi souffrent de se conformer aux normes) ou jouir en même temps que sa partenaire (ce qui est également une idée reçue très idéalisée chez les couples). Et plus l'homme simulait pour des raisons centrées sur son partenaire, plus son désir sexuel était élevé ; d'après les auteurs, ils pourraient trouver gratifiant d'adopter ce type de comportement, parce qu'ils se sentaient bien en offrant ce plaisir par amour à leur partenaire.

A lire aussi : Les hommes peuvent-ils simuler ?

Hommes et femmes, pas tout à fait les mêmes raisons

Dans une étude de 2010, incluant 180 hommes et 101 femmes, les auteurs évaluent à 50% des hommes et 50% des femmes qui simulent un orgasme, les chiffres passant à 28% des hommes et 67% des femmes en cas de pénétration vaginale... Une équipe de chercheurs élargit alors les raisons invoquées dans les deux sexes, à 6 catégories (comportant au total 143 motifs différents !) :

  • pour se sentir bien : c'était excitant et satisfaisant de le faire, ça faisait se sentir aimé ou se sentir mieux.
  • pour le partenaire (pour le protéger, lui plaire, augmenter son désir),
  • parce que l'on n'était pas dans l'ambiance (rapport trop long ou peu agréable, volonté de finir,
  • par manipulation (pour obtenir quelque chose du/de la partenaire) ou pour expérimenter son pouvoir,
  • par insécurité soit pour ne pas se sentir anormal, soit pour ne passer pour un mauvais partenaire, parce que c'est une pression sociétale, ou pour ne pas être rejeté par le partenaire.
  • pour la communication émotionnelle et/ou l'intimité (pour se sentir aimé ou rassuré, pour exprimer son amour au partenaire, pour se sentir plus proches).

Les 3 études du travail étaient composées d'hommes et de femmes, en majorité hétérosexuels (77%). Résultat : les deux sexes reconnaissaient avoir simulé au moins un fois un orgasme dans leur vie (les femmes étant plus nombreuses que les hommes, à 76% contre 41% ; elles sont surtout davantage à le faire souvent, à 54% contre 34%). Les simulateurs sont plus jeunes que ceux qui ne simulent pas, ce qui peut être expliqué par l'inexpérience et une moins bonne connaissance de son corps, combinées à la pression à avoir un orgasme. En moyenne, hommes comme femmes ont avancé 3,5 raisons...

Le plus intéressant réside dans la différence de raisons selon les sexes : les femmes le faisaient davantage pour leur partenaire. Cela pourrait sembler une raison généreuse si elle ne cachait pas une difficulté à privilégier son orgasme et à faire en sorte de jouir, ou à montrer au partenaire comment s'y prendre mieux. Certaines femmes et certains hommes considèrent encore que l'orgasme féminin est de la responsabilité de l'homme. Les hommes invoquaient davantage les raisons axées sur l'insécurité (eux aussi ressentent la pression de devoir jouir à chaque rapport), la manipulation et la communication émotionnelle.

L'orientation sexuelle, un impact sur la simulation ?

Il y a hélas peu d’études accessibles et consacrées  à la simulation chez les personnes homo et bisexuelles, ou à la comparaison des fréquence et des raisons en fonction de l'orientation sexuelle. Ce sondage Zavamed pour Cam4 portant sur plus de 2000 personnes offre quelques renseignements chiffrés mais peu d'explications. Du côté des hétérosexuels, 68% des femmes et 25% des hommes avaient déjà feint l’orgasme. Les bisexuels étaient respectivement 67% et 34% et les homosexuels étaient 59% et 48%. La différence entre les femmes s’expliquerait d'après les auteurs par le fait que les femmes faisant l’amour avec un homme ont plus de mal à atteindre l’orgasme durant la pénétration, souffrant d'un rapport trop centré sur celle-ci et pas assez sur d'autres modes de stimulation ; elles pourraient se sentir obligées de jouir et faute d'y arriver de simuler ((au contraire, les femmes homosexuelles ont davantage d'orgasmese notamment du fait d'une meilleure connaissance du corps féminin et une durée de l'acte plus longue). Les auteurs du sondage n’avançaient pas d’explication concernant la différence de chiffres chez les hommes ; il est possible que les hétérosexuels soient moins à l’aise pour reconnaître un fait qui les dérange...

Qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes et quelle que soit l'orientation sexuelle, peut-on diviser les raisons de simuler en bonnes ou mauvaises, généreuses ou individualistes ? Sans doute et elles n'auraient pas toutes le même retentissement sur la vie sexuelle, ni la satisfaction. De plus, seules certaines étaient corrélées à des troubles sexuels (tels que des difficultés à atteindre l'orgasme), comme l'insécurité, pour le partenaire, la communication émotionnelle, pas dans l'ambiance.

A suivre la semaine prochaine : Pourquoi simuler un orgasme est-il risqué ?