Défendre les droits des femmes à la santé

L'association "Osez le féminisme !" dénonce les discriminations sexistes dont sont victimes les femmes lors de leur prise en charge médicale.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
"Santé : les femmes toujours oubliées", entretien avec Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association "Osez le féminisme !"
"Santé : les femmes toujours oubliées", entretien avec Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association "Osez le féminisme !"

Un quart des femmes disent avoir subi au moins une fois des gestes ou des paroles à connotation sexuelle lors d'une consultation, selon une enquête réalisée par "Osez le féminisme !". A l'occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, l'association lance une campagne de communication pour une meilleure prise en charge des  femmes. Douleurs minimisées, patientes pas prises au sérieux, voire agressées sexuellement... Il s'agit de lutter contre les discriminations sexistes dans le monde médical. Les explications de Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association "Osez le féminisme !".

  • Pourquoi avoir choisi cette année d'axer votre communication pour le 8 mars sur la santé ?

R. Rémy-Leleu : "C'est toute une campagne que nous allons développer sur la santé des femmes qui s'appelle « A notre santé ». C'est un sujet qu'on a toujours traité au sein d'Osez le Féminisme ! et qui a continué de monter ces dernières années. Les femmes et les filles se sentent de plus en plus libres et écoutées pour en parler. Il était temps qu'on propose notre analyse au grand public."

  • Selon votre enquête, un quart des femmes se plaignent de gestes ou de paroles déplacés lors d'une consultation. Comment est-ce possible ?

R. Rémy-Leleu : "La consultation médicale devrait être le lieu de la confiance, le lieu de la bienveillance... Or, un quart des femmes disent avoir subi des violences ou des tentatives de violence sexuelle. 87% des femmes interrogées disent avoir été gênées par le comportement d'un soignant ou d'une soignante. Cette enquête nous l'avons faite nous-mêmes. Cela montre aussi l'absence de chiffres en la matière, l'absence de moyens pour lutter contre cette gêne et ces violences sexistes dans le monde médical. Il est temps de se mettre au boulot. 

"Ce que nous expliquons dans cette campagne, qui est une véritable campagne féministe sur la santé des filles et des femmes, c'est le morcellement de leur santé. Le fonctionnement en spécialités fait que pour être entendue en tant que femme, avec toutes nos spécificités mais aussi face au mépris sexiste, c'est aujourd'hui très compliqué. Et bien sûr, on va retrouver cela dans les soins obstétriques et gynécologiques mais il y a aussi beaucoup de liens à faire avec des consultations généralistes ou d'autres spécialités."

  • Concrètement, comment se traduisent les violences gynécologiques et obstétricales ?

R. Rémy-Leleu : "C'est de la mise en culpabilité, de la honte... C'est par exemple des soignants qui font preuve de grossophobie, de lesbophobie... C'est-à-dire qui vont juger, critiquer la sexualité des femmes, en particulier des lesbiennes. Mais ce sont aussi des actes dits médicaux faits sans consentement, y compris des pénétrations qui se font avec objet ou à la main. Ce sont aussi des viols dont il faut pouvoir dire très clairement ce dont il s'agit. Ce n'est pas de la faute des femmes. Elles sont en droit d'avoir un suivi bienveillant et non violent. Elles sont aussi en droit de parler et de porter plainte."

  • Vous dénoncez le manque d'écoute des médecins à l'égard des femmes. Quelles sont les conséquences pour leur santé ?

R. Rémy-Leleu : "C'est d'abord le renoncement aux soins. On sait en général que les femmes renoncent plus souvent aux soins que les hommes. Il y a plusieurs mécanismes qui conduisent à cela. Déjà, la première pierre c'est le mépris de la douleur des femmes, avec tous les clichés autour des femmes qui seraient douillettes, autour de la douleur des règles... Aujourd'hui encore, le délai moyen du diagnostic d'une endométriose est de sept ans. Combien de règles douloureuses, de mois de souffrance où les femmes ne sont pas écoutées, ne sont pas crues... Il y a la question de la douleur mais aussi la peur d'être jugée, d'être confrontée à un personnel violent ou encore les traumatismes liés à cette violence. Et c'est ce qu'il faut endiguer pour permettre aux femmes d'être aussi bien soignées que les hommes."

  • Pourquoi les femmes ne sont-elles pas assez prises en compte dans la recherche médicale ? 

R. Rémy-Leleu : "C'est là qu'on apporte l'expertise d'"Osez le Féminisme !" qui est très importante. C'est un pan entier de notre réflexion, de notre militantisme, qui est porté sur l'absence de considération des femmes, cette idée de l'universel masculin. Dans la santé, ça va être le test des médicaments uniquement sur les hommes au prétexte que les cycles des femmes chambouleraient les tests. Sauf que les patientes qui prennent ces médicaments ont des cycles hormonaux chaque mois. Parmi les témoignages classiques que nous avons recueillis : "Quand j'ai eu mon début de grossesse, presque tous les médicaments que je prenais au quotidien et dont j'avais besoin, étaient  interdits en cas de grossesse ou très fortement déconseillés". Parce qu'aussi la science médicale a été incapable de nous prendre en compte."