Béziers : en hypothermie, il survit à un arrêt cardiaque de plus de 18 heures

Xavier Capdevila, réanimateur au CHU de Montpellier, revient sur ce cas médical exceptionnel.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Entrée du CHU de Montpellier (crédits : Gabrielle Voinot)
Entrée du CHU de Montpellier (crédits : Gabrielle Voinot)
Xavier Capdevila, chef du département d’anesthésie-réanimation au CHU Lapeyronie de Montpellier.
Xavier Capdevila, chef du département d’anesthésie-réanimation au CHU Lapeyronie de Montpellier.

Une histoire peu banale s'est déroulée le mois dernier à Béziers. Mi-mars, un homme de 53 ans est retrouvé par un promeneur sur une berge de l’Orb.

"Il été allongé, inanimé, avec une importante hypothermie qui s’était installé de façon progressive, probablement après avoir passé toute la nuit dehors", nous explique le professeur Xavier Capdevila, chef du département d’anesthésie-réanimation au CHU Lapeyronie de Montpellier. "Au moment où le promeneur l’a retrouvé, il était en bradycardie, c’est à dire qu’il avait un rythme cardiaque extrêmement bas."

Un arrêt cardiaque survenu à l'arrivée des secours

Le temps que les secours arrivent sur place, sa température a continué à chuter. "Arrivée à 22 degrés, une température extrêmement basse pour le corps humain, le cœur ne peut plus fonctionner. Il est entré en arrêt cardiaque lorsque les pompiers sont arrivés", poursuit le Pr Capdevila.

"Les pompiers ont immédiatement réalisé un massage cardiaque externe. Puis l’équipe de SMUR-SAMU est arrivée, et a mis en place un massage cardiaque avec une pompe externe – à l’aide d’un appareil que l’on nomme le LUCASTM" (voir illustration). Entre l’intervention des pompiers et celle des urgentistes, le massage cardiaque aura duré "près de cinq heures".


Un LUCASTM en action.

Des organes préservés par le froid

 "Arrivé au service de réanimation, au CHU de Montpellier, nous avons mis en place une circulation extracorporelle (CEC)", poursuit le médecin. Avec cette technique, la circulation sanguine est dérivée vers l’extérieur au niveau d’une veine. Le sang est ensuite réoxygéné hors du corps grâce à une machine, et réchauffé avant de retourner dans la veine. "Cette technique permet de rétablir un débit cardiaque, car il faut bien que les organes soient perfusés".

"En temps normal, après cinq heures de massage cardiaque, de nombreux organes sont en hypo-perfusion (c’est-à-dire que le débit sanguin n’est pas assez important pour les oxygéner correctement, NDLR)", détaille le Pr Capdevila. Mais du fait de la très basse température du corps, les intervenants jugeaient vraisemblable que ces organes aient été préservés.

Toutefois, "à 22°C, on est à une hypothermie qui est normalement incompatible avec le fonctionnement de la majorité des organes. C’est pour cela qu’il a fallu supplanter les organes les uns après les autres, aider l’insuffisance rénale par hémofiltration (un procédé voisin de celui de la dialyse, NDLR), ventiler le patient…"

Le corps oxygéné artificiellement durant les 18 heures où le cœur fut immobile

"L’arrêt cardiaque avec massage cardiaque par les pompiers ou avec le LUCASTM a duré à peu près cinq heures. Au total, avec le recours au CEC, le cœur du patient a été arrêté durant 18 heures", comptabilise le médecin. "On ne fait pas repartir un cœur quand la température est très basse. Nous avons fait repartir le cœur de façon volontaire, avec une stimulation électrique, lorsque son corps a atteint les 32°C".

La CEC a été poursuivie durant trois jours. "Après une hypothermie de ce type-là, le cœur n’est pas encore à même de pomper suffisamment. Les choses prennent du temps !"

À l’heure où nous écrivons, le patient "va bien", nous confirme le médecin. "Il reste sous trachéotomie, car le massage cardiaque continu durant près de cinq heures a, nécessairement, engendré des fractures au niveau des côtes. Mais neurologiquement, il va bien. Il communique avec le professionnel médical et paramédical, il plaisante de temps en temps… On est dans une récupération apparemment intégrale de ce patient !"

Un acharnement "dans le bon sens du terme" !

Selon Xavier Capdevila, trois choses expliquent l’état actuel du patient. Premièrement, l’hypothermie. Deuxièment, son âge relativement jeune. Enfin, "le fait que la chaîne de soin – les pompiers, le SMUR, le CHU – a toujours pensé, de façon logique, qu’il fallait continuer à masser ce patient, parce qu’on était dans une situation hypothermique qui était susceptible de le protéger. Cet acharnement, dans le bon sens du terme, a été très clairement salvateur pour le patient."

Le chef du département d’anesthésie-réanimation au CHU Lapeyronie de Montpellier nous explique avoir déjà eu à intervenir sur des patients ayant expérimenté une importante hypothermie – il y a quelques années, une femme avait été réanimée après avoir été retrouvée le corps à 24,5 °C. "Mais ces cas restent très, très rares. Celui-ci est vraiment très particulier, du fait du degré d’hypothermie, de la durée du massage cardiaque, et le temps durant lequel le cœur est resté arrêté avant la stimulation électrique".