Le baclofène "pas plus efficace que d'autres méthodes de sevrage"

Il n'y a "pas de preuves" que le baclofène à haute dose apporte une efficacité supérieure à d'autres méthodes pour décrocher de l'alcool, conclut une étude publiée ce 30 novembre, qui s'interroge sur la prescription massive de ce médicament en France.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Le baclofène "pas plus efficace que d'autres méthodes de sevrage"

En septembre 2016, le Congrès mondial d'alcoologie de Berlin avait été l’occasion de rouvrir le débat sur l’efficacité du Baclofène, et sur sa supériorité par rapport à d’autres traitements. L’une des études dévoilées à cette occasion, dont nous vous avions brièvement rendu compte, vient d’être publiée dans la revue European Neuropsychopharmacology.

Dans cette étude, menée par une équipe de chercheurs de l'université d'Amsterdam, 151 patients alcooliques bénéficiant par ailleurs d'un suivi psychosocial ont participé à l'étude : 31 ont reçu du baclofène à faible dose (30 mg par jour), 58 ont eu le même médicament à haute dose (jusqu'à 150 mg par jour), et 62, un placebo. Au bout de 16 semaines, le taux de rechute était "d'environ 25%" dans chacun des groupes. En d’autres termes, les patients traités par le baclofène à faible dose, à haute dose ou par un placebo ont affiché des taux de rechute comparables.

Dans le même temps, des effets secondaires tels que fatigue, somnolence et sécheresse de la bouche ont été fréquemment observés.

"En août 2015, une petite étude allemande (l’étude BACLAD) à répartition aléatoire avait montré que le baclofène à haute dose montrait de bons résultats, mais le groupe de contrôle n'avait reçu aucun traitement. Nos patients, y compris le groupe placebo, ont quant à eux tous reçu un suivi psychosocial", a expliqué Reinout Wiers, psychologue spécialiste des addictions, qui a supervisé l'étude. 

"Au total, ces études montrent que le baclofène semble aussi efficace qu'un traitement psychosocial mais qu'il n'apporte pas d'efficacité supplémentaire", a ajouté le Pr Wiers, psychologue spécialiste des addictions, estimant qu'il semblait donc "prématuré" de le prescrire à grande échelle aux patients alcooliques, "comme c'est actuellement le cas en France".

Un engouement important en France

La popularité de ce médicament, initialement indiqué contre les contractures musculaires involontaires, a explosé en France depuis la parution en 2008 du livre du cardiologue Olivier Ameisen, qui racontait comment il avait supprimé son envie de boire en prenant ce myorelaxant à forte dose. Entre 2007 et 2013, environ 200.000 patients français se sont vus prescrire du baclofène pour traiter leur alcoolisme, rappelle l'article.

Pour encadrer les prescriptions, l'agence du médicament ANSM a mis en place en 2014 une recommandation temporaire d'utilisation avec une dose maximale de 80 mg par jour. Fin août, 7.024 patients étaient déclarés à l'ANSM mais, selon l'Assurance maladie, environ 100.000 patients seraient traités avec le baclofène, commercialisé par Novartis sous la marque Lioresal et par Sanofi sous la marque Zentiva.

Les résultats d'une nouvelle étude sur les effets indésirables du baclofène, commandée par l'ANSM à l'Assurance maladie, sont attendus fin 2016.

Une étude française sur le même sujet, également présentée en septembre 2016 à Berlin, avait montré que le baclofène n'avait pas eu plus d'efficacité que le placebo en termes d'abstinence, mais qu'il avait permis une réduction plus importante de la quantité d'alcool consommée.

Étude : Efficacy and safety of high-dose baclofen for the treatment of alcohol dependence: A multicentre, randomised, double-blind controlled trial. Esther M. Beraha et al. European Neuropsychopharmacology, 30 nov. 2016. doi: 10.1016/j.euroneuro.2016.10.006