Je vous dois combien, docteur ?

« Je vous dois combien, docteur ?- Voyez cela avec ma secrétaire.- Merci docteur. »Le médecin ferme la porte.« Je vous dois combien, madame ?- 800 euros, vous payez comment ?! »

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Je vous dois combien, docteur ?

Dialogue réel ? Malheureusement oui.

A l'hôpital Américain de Neuilly ? Clinique de la Muette dans le 16ème ? Non, dans un hôpital de l'AP-HP... la consultation privée d'un professeur adulé par les médias, sauveur, forcément sauveur pour les patients.

Comment l'hôpital public peut-il laisser des médecins, aussi compétents soient-ils, demander autant pour une consultation ?

Où est le « tact et mesure » demandé par le Conseil de l'Ordre des médecins ?

Ils sont très peu à dépasser les bornes... mais si peu soient-ils, on attend de leur employeur qu'il mette un terme à leurs activités privées.

Entendons-nous bien, il ne s'agit surtout pas d’interdire le privé à l'hôpital. Il reste, à mes yeux, un des seuls moyens de garder les compétences au sein des établissements hospitaliers et de permettre au public d'y avoir accès.

Mais comment accepter l'indécence de telles sommes ?

En libéral , les médecins font ce qu'ils veulent, dans les limites imposées par la sécu, ils peuvent même se déconventionner. Le patient qui accepte de payer 800 ou 1 000 euros une consultation ne sera pas du tout remboursé. C'est son choix. Il faut le respecter. Mais pas à l'hôpital !

Même si il n'y a aucun lien direct, n'est-il pas gênant de voir se côtoyer au sein d'un même établissement un service d'urgences à l'agonie, des infirmières en burn out, des patients laissés dans des couloirs sur des brancards... et un Professeur repartant le soir avec des milliers d’euros dans les poches. Même si, après avoir payé les frais, il ne lui « reste » que moins de la moitié avant impôts.

Il faut choisir. Si on décide de rester à l'hôpital, on fait du privé « raisonnablement », l’énorme majorité des Professeurs prend entre 150 et 200 euros la consultation. C'est beaucoup, mais , comme le disent certains d'entre eux, « la compétence, ça se paye ».

Soit !

Malheureusement , tous les médecins connaissent des « patrons », qui s'emballent sur les tarifs, et dont la compétence n'est due qu'à leurs passages dans des émissions télé… (je tends le bâton…) et qu'il vaut mieux éviter si on est vraiment malade !

Et qu'on ne dise pas : « on ne savait pas » !

Tous les ans, dans tous les hôpitaux concernés, une commission d'activité libérale se réunit, des médecins qui font du privé, ceux qui n'en font pas, le directeur de l'établissement, tous sont censés éplucher les activités libérales des praticiens au sein de l'hôpital. Ne serait-ce que pour calculer ce qu'ils auront à reverser. Et si l'on en croit le rapport publié par Le Parisien, dans son édition du 2 octobre 2012, ces commissions doivent prendre l'apéro quand elles se réunissent, vu le peu d'informations qu'elles transmettent…

Cela fait maintenant des années que ces (rares) moutons noirs de la médecine sont montrés du doigt, des années que des patients continuent à payer des centaines d’euros parce qu'au bout du rouleau, sans espoir, ils se disent que le célèbre Professeur va les soulager, peut-être les sauver…

Mais ces quelques stars du stéthoscope ont le bras long, très long… assez long pour puiser au fond des portefeuilles… et pour faire taire leur administration.

Michel Cymes

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