Le Royaume-Uni autorise les greffes d'utérus

Les chirurgiens britanniques viennent d'obtenir le feu vert pour entreprendre les premières transplantations d'utérus au Royaume-Uni. Si les obstacles techniques et financiers sont nombreux, une réussite de leur part pourrait considérablement accélérer la recherche dans le domaine.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Dix patientes pourraient être greffées d'ici 2016.
Dix patientes pourraient être greffées d'ici 2016.

Un an après la naissance en Suède du premier bébé né grâce à une greffe d'utérus, des chirurgiens britanniques ont annoncé, mercredi 30 septembre 2015, avoir reçu l'autorisation de réaliser le premier essai clinique de transplantation d'utérus au Royaume-Uni, qui devrait concerner dix femmes.

Approuvé par une commission de l'Imperial College, une université londonienne, l'essai devrait débuter au printemps prochain et sera mené par des chercheurs de l'organisation Womb Transplant UK.

La greffe s'adressera à des femmes nées sans utérus (ce qui concerne une femme sur 4.500 en France et une sur 5.000 au Royaume-Uni), mais aussi à celles ayant subi une ablation de l'utérus, après un cancer par exemple. Selon le Dr Richard Smith, qui dirigera l'équipe, la transplantation "est clairement une option viable pour ces femmes qui, autrement, n'ont aucune chance de porter leur propre bébé".

Pour l'heure, les scientifiques vont d'abord sélectionner les receveuses potentielles selon des critères précis : elles doivent avoir entre 25 et 38 ans, être en bonne santé et engagée dans une relation de couple stable, mais surtout posséder des ovaires fonctionnels, capables de produire des ovules.

Selon la BBC, plus de 300 candidates se sont déjà manifestées auprès de l'équipe médicale en charge de la transplantation, mais une centaine seulement remplissent ces critères. Dans un premier temps dix d'entre-elles bénéficieront de la greffe.

Une intervention lourde et encore inédite

Les utérus proviendront de donneuses en état de mort cérébrale mais maintenues en vie. En effet, "la récupération des organes est une opération plus lourde que la transplantation", explique le Dr Smith, "nous ne voulons pas imposer cette opération à une donneuse vivante".

Avant le début des essais, des embryons seront d'abord formés in vitro à partir des ovules de la donneuse et du sperme de son compagnon ou d'un donneur, avant d'être congelés.

Les femmes subiront ensuite une opération de six heures pour recevoir la transplantation, et suivront un traitement médical pendant un an pour éviter le rejet de la greffe, avant d'être finalement inséminées. Les naissances auront lieu par césarienne, pour éviter de soumettre l'utérus au stress de l'accouchement.

Six mois après la première naissance, chaque femme se verra proposer une nouvelle grossesse. En cas de refus, les médecins procéderont à une hystérectomie, afin de réduire les risques liés aux traitements anti-rejets notamment.

Un projet plausible mais parsemé d'embûches

Seul bémol, la Womb Transplant UK doit encore réunir les 500.000 livres (677.000 euros) nécessaires pour mener à bien son projet, le coût de chaque opération étant estimé à 40.000 livres (environ 54.000 euros), selon la BBC.

Toutefois, le Dr Smith, qui travaille depuis près de 20 ans sur le projet, se dit "énormément optimiste" et affirme être toujours parvenu à réunir suffisamment d'argent grâce aux dons, selon le journal The Guardian.

Sous réserve donc d'un financement suffisant et de premiers résultats probants, le premier bébé britannique issu d'une greffe utérine pourrait naître fin 2017 ou début 2018.

Si les chirurgiens britanniques réussissent leur projet, le Royaume-Uni deviendra la deuxième nation à y parvenir après la Suède, le Comité d'éthique suédois ayant autorisé les premiers essais humains en 2014. Neuf femmes ont ainsi bénéficié d'une transplantation utérine, et quatre enfants sont nés depuis un an.

Mais, contrairement au protocole mis en place par les britanniques, les chirurgiens suédois ont systématiquement eu recours à des donneuses vivantes et ménopausées. Dans cinq cas, les donneuses étaient d'ailleurs les mères des receveuses, par souci de compatibilité. Pour l'heure, aucun bébé n'est donc né des suites d'un prélèvement cadavérique, les rares tentatives s'étant soldées par un échec.

En France, on reste frileux

En France, aucun feu vert n'a été donné par les autorités sanitaires et par l'Agence de la Biomédecine, et les seules solution pour les patientes dont l'utérus n'est pas fonctionnel (ou inexistant) sont donc l'adoption, la gestation pour autrui étant interdite en France.

Toutefois cela n'empêche pas que deux équipes françaises se préparent pour la greffe d'utérus. Ainsi, à Limoges, l'équipe des Dr Tristan Gauthier et Pascal Pivert a notamment réalisés plusieurs prélèvements d'utérus sur des femmes en état de mort cérébrale. En parallèle, à l'hôpital Foch de Suresnes, une équipe dirigée par les docteurs Jean Marc Ayoubi et René Frydman (à qui l'on doit le premier bébé éprouvette français) envisage quant à elle des prélèvements sur des femmes donneuses bien vivantes.

L'Académie de médecine commence également à s'intéresser à la greffe d'utérus, puisqu'elle a publié le 23 juin 2013 un rapport très complet sur le sujet. Si elle reconnaît que la transplantation utérine constitue une "alternative devenue crédible" et soulève "un immense espoir", elle s'interroge sur le manque de données concernant le risque chirurgical mais aussi les effets du traitement immunosuppresseur sur la mère et l'enfant.

Pour l'heure, l'Académie suggère d'attendre la poursuite des programmes de recherches. Une chose est certaine : cette tentative anglaise risque de pousser les autorités sanitaires françaises à reconsidérer leur position.

Avec AFP