Information scientifique : les universités en font souvent des tonnes

Exagérations et extrapolations hâtives sont fréquentes dans la presse grand public dès lors qu'il s'agit d'information médicale. Selon une étude publiée ce 10 décembre dans le British Medical Journal, les services de presse des universités présentent souvent les publications de leurs chercheurs de façon fallacieuse, entraînant des journalistes sans formation scientifique à colporter des âneries.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
...et les journalistes reproduisent souvent les communiqués sans recouper les informations ou retourner à la source de l'étude (cc-by-sa Matthew Watts)
...et les journalistes reproduisent souvent les communiqués sans recouper les informations ou retourner à la source de l'étude (cc-by-sa Matthew Watts)

Si certains journalistes décortiquent les chiffres des études scientifiques et médicales, mettent en perspective les effets d'annonce et savent manier le conditionnel, force est de constater que de nombreux titres de presse se contentent de relayer des communiqués à peine retravaillés.

Or, même s'ils émanent d'une institution scientifique, ces communiqués survendent fréquemment les travaux des chercheurs. Telle est la conclusion d'une équipe de Cardiff (Royaume-Uni), après avoir disséqué 462 communiqués diffusés en 2011 par une vingtaine d'universités et 668 articles de presse associés.

Sur la base de cette analyse, les auteurs estimes 33% à 46% des communiqués de presse britanniques comportent des "préconisations de changement d'habitudes" injustifiées au regard de l'étude d'origine. Dans 26% à 40% des cas, les liens de cause à effet sont "exagérés". De 28% à 46% des communiqués extrapolent également à l'homme des observations n'ayant été faites que sur un modèle animal.

Les préconisations injustifiées ont 48% à 68% de chance(1) de se retrouver dans les articles de presse. Il en va de même pour les causalités imaginaires (70% à 93%) et les extrapolations à l'homme (77% à 95%).

Lorsque les communiqués de presse sont fidèles à la recherche d'origine, la probabilité que le journaliste préconise abusivement un changement de comportement aux lecteurs a été estimée entre 10 et 24%. Les chiffres sont analogues pour l'invention de liens de causalité (9% à 27%). La probabilité d'une extrapolation à l'homme est comprise... entre 0% et 19%.

Attachés de presse et journalistes

Ces résultats, bien que fondés sur des données partielles, sont révélateurs d'un manque d'esprit critique de nombreux journalistes à l'égard des "prêts-à-publier" dont les abreuvent les universités. Les auteurs de l'étude, constatent que les reporters vont rarement plus loin que ces communiqués, et jugent "difficile de changer les méthodes de travail et les cultures des journalistes"...

La diffusion d'une information médicale de qualité semble reposer dans les mains des services de presse des universités. Aussi, les chercheurs invitent ces services à faire preuve d'un peu plus d'honnêteté lorsqu'il s'ait de vulgariser des études austères pour "susciter l'intérêt des journalistes". Les scientifiques observent d'ailleurs que les communiqués les plus fallacieux ne sont "pas sensiblement plus repris dans la presse" que ceux rédigés avec rigueur !

Ces travaux, qui concernent des universités britanniques, peuvent-ils s'extrapoler à d'autres institutions scientifiques et à d'autres pays ? Selon les chercheurs, la situation décrite est essentiellement "[le fruit] d'une culture croissante d'autopromotion et de compétition entre les universités", qui s'additionne "à la pression [elle-aussi] croissante exercée sur les journalistes pour produire plus en moins de temps". Difficile de croire que le tableau est plus reluisant de ce côté-ci de la Manche, ou outre-Atlantique. Et les rédacteurs des "services de com'" des facultés sont formés aux mêmes écoles que ceux qui sévissent dans les autres organismes de recherche...

Concluons sur une note pessimiste : dans cette étude, l'analyse de la "véracité des communiqués" s'est limitée "à une comparaison avec l'étude scientifique originale". Or, soulignent les auteurs de ces travaux, ceci préjuge de la qualité de ces études, alors même que "beaucoup d'entre-elles contiennent des exagérations" (extrapolations de lien de causalité, de généralisation à l'homme, etc.).

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(1) De malchance, pour le lecteur.

Source : The association between exaggeration in health related science news and academic press releases: retrospective observational study. BMJ, déc. 2014. doi:10.1136/bmj.g7015