Le ministre de l’Agriculture se dit "opposé au mois de janvier sans vin"

Le ministre Didier Guillaume trouve l'idée d'un mois sans alcool "aberrante" et préfère la "modération" à la "prohibition". Pourtant, même consommés avec modération, le vin et les autres alcools sont dangereux pour la santé.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

"Pour" le zéro gramme d’alcool au volant, mais contre "l’interdiction" de boire. Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume était l’invité du Grand Jury RTL / Le Figaro / LCI le 17 novembre. Interrogé sur la proposition de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de prendre un décret pour réduire le taux d’alcool autorisé au volant de 0,5g/L à 0g/L, Didier Guillaume a déclaré y être favorable : "Lorsqu’on conduit on ne doit pas boire."

Mais sa déclaration ne s’arrête pas là : "Je pense qu’on peut faire la fête et boire des coups et que boire du vin français, des vins d’excellence, c’est très, très bon" a déclaré le ministre. Il a également rappelé : "Je suis très opposé au mois de janvier sans vin (le Dry January, ndlr), je trouve ça aberrant. Je préfère la modération toute l'année, que l'interdiction et la prohibition un mois de l'année."
"Je ne suis pas ministre de la santé" a-t-il enfin appuyé.

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Des risques dès un verre par jour

Mais en matière de santé, la modération ne suffit pas. Une étude publiée dans The Lancet le 23 août 2018 démontrait en effet que boire ne serait-ce qu’un verre de vin par jour augmentait de 0,5% le risque de développer un cancer ou une maladie cardiovasculaire.
Pire, chez les femmes, le risque de développer un cancer du sein augmente d’environ 10% dès un verre de vin consommé tous les jours de façon régulière, selon une étude publiée en 2009 dans le Journal of the National Cancer Institute.

Le vin est un alcool comme les autres

Le ministre avait déjà tenu des propos saisissant sur le vin. En janvier dernier, il affirmait qu’il fallait "éduquer à boire un verre de vin, pour savoir ce que c’est". Il ajoutait : "L'addiction à l'alcool est dramatique, et notamment dans la jeunesse, avec le binge drinking, etc. C'est dramatique, mais je n'ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit, et qui est saoul, parce qu'il a bu du Côtes-du-Rhône".

La ministre de la Santé avait alors réagi en rappelant que le vin était bel et bien un alcool comme les autres. "On ne peut pas banaliser la consommation d'alcool" avait-elle rappelé, tout en précisant que "Si le vin fait partie de notre patrimoine, et qu'en cela on peut considérer qu'il n'est pas un alcool comme un autre et qu'il fait partie de la culture nationale, la molécule d'alcool contenue dans le vin est exactement la même que celle contenue dans n'importe quelle boisson alcoolisée." Elle n’avait par ailleurs pas hésité à rappeler que la consommation d’alcool "tue en France près de 50.000 personnes" chaque année.

Une influence puissante des lobbies de l’alcool

Mais derrière cette position plus clémente à l’égard du vin qu’aux autres alcools, fréquemment soutenue par le ministre de l’Agriculture, se tapisse souvent l’influence de lobbies. Comme le soutenait le professeur Michel Reynaud, psychiatre, addictologue et président du Fonds Actions Addictions sur le plateau du Magazine de la Santé en février dernier : "en France, attaquer le vin, c’est attaquer des puissances énormes."

En 2016, déjà, la Cour des comptes dénonçait dans un rapport accablant le trop faible investissement de l’Etat dans la recherche sur l’alcool. Elle dénonçait également l’expression "à consommer avec modération" et la sous-estimation du problème de l’alcool pour des raisons économiques et politiques. Depuis, les lobbies du vin et de l’alcool ont continué leur progression. Il se sont immiscés dans des outils de communication "à hauteur d’enfant" et sur les réseaux sociaux, où les alcooliers rémunèrent des influenceurs aux milliers d’abonnés pour véhiculer une image positive de leurs produits.

Dernière polémique en date : le partenariat signé en octobre dernier entre l’association SAF France (SAF pour Syndrome d’Alcoolisation Fœtale), qui lutte contre les troubles causés par l'alcoolisation fœtale, et les alcooliers pour diffuser ses messages de prévention. Cet accord a provoqué de vives réactions chez certains médecins et associatifs, qui y ont vu un problème éthique majeur.