Essais cliniques : l’ANSM accuse l'IHU de Didier Raoult de “graves manquements”

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié les conclusions d’une enquête menée fin 2021 sur l’IHU du Professeur Raoult. Les essais cliniques concernés se sont déroulés avant la pandémie.

La rédaction d'Allo Docteurs avec AFP
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Hydroxychloroquine : l'Ordre des médecins donne un "blâme" au Pr Raoult  (Image d'illustration)
Hydroxychloroquine : l'Ordre des médecins donne un "blâme" au Pr Raoult (Image d'illustration)  —  Crédits Photo : Capture Ecran Youtube - Chaîne de l'IHU Méditerranée-Infection

Alors que Didier Raoult est depuis longtemps discrédité par ses pairs, les autorités sanitaires ont livré ce 27 avril 2022 une charge sans précédent contre les pratiques qu'il a supervisées durant des années.

L'IHU de Marseille a été le cadre "de graves manquements et non-conformités à la réglementation des recherches impliquant à la personne humaine", a résumé dans un communiqué l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui publie les conclusions d'une enquête menée fin 2021.

Des faits qui ont eu lieu avant la pandémie

Le réquisitoire de l'ANSM, qui confirme largement des révélations de L'Express et Mediapart, ne concerne pas le Covid et remonte bien avant. L'autorité accuse l'IHU de s'être affranchi pendant des années de multiples règles pour mener des recherches sur des patients.

"Les règles éthiques n'ont pas été systématiquement respectées, ne permettant pas d'assurer la protection des personnes à un niveau suffisant", indique l'ANSM dans son communiqué qui accompagne un rapport plus détaillé.

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La justice saisie

À de multiples reprises, des essais ont ainsi été engagés sans obtenir l'avis obligatoire d'un comité indépendant ni, parfois, le consentement de tous les patients examinés.

C'est par exemple le cas de prélèvements rectaux réalisés au début des années 2010 sur des enfants atteints de gastro-entérite. Pour des dizaines d'entre eux, le consentement des parents est absent. En conséquence, l'ANSM annonce deux types d'actions.

L'une, menée par ses propres soins, consiste à demander l'interruption des essais entamés irrégulièrement et imposer "des actions correctives et préventives" pour remettre en bon ordre les recherches à l'IHU.

Ces mesures ne seront cependant pas immédiates, puisque l'ANSM doit passer par une procédure contradictoire avec l'IHU ainsi que l'AP-HM, dont la responsabilité est aussi mise en cause.

Parallèlement, l'ANSM annonce saisir la justice, ce qu'elle avait déjà fait à l'automne lors de la publication de l'enquête de Mediapart.

Des effets secondaires graves sur les patients tuberculeux

Les autorités sanitaires attendent d'en savoir plus sur le volet le plus spectaculaire des accusations portées contre l'IHU: depuis des années, ses équipes expérimentent des traitements censés lutter contre la tuberculose malgré leur absence d'efficacité.

Alors que les autres manquements sont essentiellement déontologiques, ces pratiques ont eu des conséquences dramatiques. Chez nombre de patients tuberculeux, des effets secondaires graves ont été enregistrés, allant dans un cas jusqu'à imposer une opération chirurgicale.

Mais l'ANSM estime qu'elles ne constituaient pas en tant que telles un essai clinique et ne se considère pas en mesure d'intervenir directement sur le sujet car il dépasse son domaine de compétences en tant qu'autorité réglementaire. L'autorité compte donc poursuivre son enquête et n'exclut pas, à terme, de saisir aussi la justice à ce propos.