Une étude relance l’inquiétude autour des fongicides SDHI

Des pesticides censés lutter contre les champignons s’attaqueraient aux abeilles et aux cellules humaines selon les derniers résultats d’une étude sur les fongicides SDHI, utilisés en agriculture.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Jérôme Chenevière a repris la ferme familiale il y a douze ans. Mais l’agriculteur a récemment changé ses pratiques. En conversion vers le bio depuis un an et demi, cet exploitant fait pousser entre autres du blé, de l’orge et du colza. Pendant des années, il a appliqué de manière préventive sur ses cultures des fongicides SDHI, un traitement contre les champignons.

« On ne se posait pas de questions, on mettait au moins un passage de fongicides par an, en général c’était un voire deux. C’était une solution de sécurité pour dire on va essayer de produire au maximum, ou plutôt même à l’optimum et d’employer plutôt le produit pour dire on va se sécuriser en cas d’attaque de maladies »

Des protocoles de sécurité peu respectés

Les études sur la dangerosité des pesticides, qui se multiplient, préoccupent Jérôme. Il a régulièrement utilisé de tels produits, sans toujours respecter les protocoles de sécurité.

L’agriculteur s’inquiète: «  C’est toujours inquiétant de s’apercevoir que les produits qu’on a employés sont dangereux, pour l’environnement mais surtout pour nous. Il y a bien des produits de protection qu’on doit logiquement mettre, que j‘essayais de mettre… mais souvent on les employait très peu, parce qu’on a des contraintes météo ou autres qui font qu’on zappait certaines choses. C’est vrai que si en plus on peut avoir des problèmes de santé avec, autant éviter. »

Des fongicides qu’il préfère éviter, d’autant plus qu’ils ne sont pas indispensables. Désormais en bio, Jérôme utilise des céréales moins productives, mais plus résistantes aux champignons.

Les cellules humaines hypersensibles aux SDHI

Les effets des fongicides SDHI ont été testés en laboratoire par une équipe de chercheurs du CNRS et de l’INSERM. Pierre Rustin, directeur de recherche au CNRS détaille l'objet de l'étude : « Nous avons vérifié ce qu’il se passe lorsqu’on ajoute les sdhi à des cultures de cellules de la peau humaines. Vous voyez que quand les cellules poussent dans des conditions normales en l’absence de sdhi les cellules sont heureuses, c’est des petits points noirs, elles sont côte à côte.

Si vous faites la même chose en présence de quantités croissantes, mais très faibles de sdhi, il y a beaucoup moins de cellules et puis vous avez ces points blancs ici, qui correspondent à des cellules qui sont en train de mourir. Et puis si vous montez un tout petit peu la concentration, on voit que les cellules meurent. Cela démontre absolument que les cellules humaines sont hypersensibles aux sdhi. »

Interdire les fongicides au nom du principe de précaution

Selon cette étude, l’exposition à ces fongicides comporterait des risques pour l’homme même à faible dose : «  Ce sont des doses dont on sait déjà par l’étude d’autres molécules qui agissent de la même façon quasiment, qu’elles sont problématiques dans l’usage humain. La seule chose c’est qu’elles ont un temps, il y a une latence importante entre l’exposition et une possible maladie qui apparaît. On attend essentiellement des maladies d’ordre neurologique de type parkinson ou Alzheimer ». Ces chercheurs recommandent l’application du principe de précaution et l’interdiction des fongicides SDHI.

De son côté, l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire préfère rester prudente sur ces résultats obtenus en laboratoire. Elle a lancé des études sur les effets de ces fongicides en conditions réelles d’utilisation. Les résultats devraient être connus au premier semestre 2020.