Les conseils de Raphaël pour épicer vos plats !

Épices, aromates, condiments : ces petits ingrédients font toute la différence en cuisine. Comment choisir, conserver et utiliser les épices en cuisine ? Raphaël répond à vos questions et vous délivre ses astuces de chimiste moléculaire.

Raphaël Haumont
Rédigé le , mis à jour le


Les tubes à essais, les petits pots aimantés en verre, les étagères à épices… c’est de la décoration mais hélas, ce n’est absolument pas le bon moyen de conserver ses épices.

Pour les épices, il faut à tout prix éviter :

  • La chaleur, donc la proximité du four ou des plaques de cuisson.
  • La lumière, et en particulier les ultra-violets du soleil.
  • L’humidité et les variations de température  

Quelles précautions  prendre pour les épices

Les plantes, baies, et donc les épices sont au fondement de la phytothérapie, puis de la pharmacie. Il existe de nombreuses vertus dans les épices : antioxydantes (curcuma par ex), diurétiques (anis étoilé), antiseptiques, antalgiques (eugénol dans le clou de girofle par exemple), etc…. il y a aussi des pigments, et des molécules aromatiques.  

Tous ces principes actifs sont des molécules organiques, et, comme les autres molécules organiques, comme les médicaments, elles sont sensibles aux UV (émis par les rayons du soleil) qui peuvent les fragmenter, à la température. 

Éviter les épices sur les marchés

Acheter en petite quantité au détail, est évidemment très bien, mais il faut éviter les attrapes touristes et les jolis dômes d’épices en plein soleil. C’est beau, ca sent bon….mais cela sentira beaucoup moins bon chez vous car tous les arômes fragiles partent et le soleil abîme les saveurs et les couleurs. 

Il faut donc ranger ses épices dans des boites hermétiques, dans un placard, ou dans des petits flacons de verres fumés. 

Les épices se conservent 3-4 ans sans problème. Ecrire une Date Limite de Consommation est une obligation règlementaire pour les distributeurs, mais dans de bonnes conditions de stockage, il n’y a pas de risque à garder des épices plusieurs années. Le goût se perdra quand même progressivement.  

Pour les herbes séchées type laurier, romarin, thym etc…. La durée est plutôt d’un an. Vous allez rapidement perdre les molécules aromatiques fraîches. Dans la plupart de ces produits, vous avez des molécules très fragiles retrouvées dans des huiles essentielles : acide laurique du laurier, acide rosmarinique du romarin, tout comme le limonène et le citral dans les zestes de citrons et oranges...
Consommé frais, c’est très puissant et aromatique, alors que sec, d’autres saveurs sont gardées mais beaucoup de molécules se perdent.

Bouquet garni sec en début de cuisson

Le bouquet garni placé dès le début de cuisson n’est pas forcément la meilleure idée.

La chimie apprend qu’en cuisine, il est possible de raisonner comme en parfumerie. Il existe des notes de tête (fragiles et volatiles), des notes de cœur (intermédiaires), et des notes de fond (molécules lourdes et rémanentes). Les notes de fraicheur, d'acidité, les huiles essentielles sont très odorantes, ce qui veut dire très fragiles.

Si vous les sentez, c’est qu’une faible température suffit à les évaporer dans la pièce pour qu’elles arrivent ensuite dans votre nez. Ce sont des notes de tête. Si vous les placez dès le début de cuisson, vous perdez tout dans la pièce. Laurier frais, thym frais etc… doivent être mis en dernière minute au contraire, le thym sec, le laurier sec, et les épices type grains de poivre, moutarde, badiane etc… sont riches en notes de fond, ce sont des molécules aromatiques qui " restent" dans la casserole. Il faut donc les placer au début.

C’est effectivement répandu dans la cuisine chinoise et indienne par exemple. La cuisson démarre souvent avec un peu d’huile, les épices, au moins 2-3 min. Il faut ensuite ajouter le gingembre, ail, viande etc…

2 raisons principales :

  • Historiquement pour des problèmes sanitaires . Chauffer à haute température permet de tuer les germes, moisissures éventuelles, et quelques bêtes qui peuvent se loger dans les épices fraiches et plus ou moins bien stockées (comme le poivre frais par ex).
  • Ce geste sanitaire donne aussi beaucoup plus de saveurs au plat : la torréfaction permet d’amplifier certaines notes et de libérer les saveurs des épices. La vanilline tient à plus de 280°C, l’eugénol à plus de 250°C, la pipérine du poivre idem, plus de 230°C… Si vous placez ces produits en début de cuisson, aucun risque pour les arômes. Mieux même, la chaleur aide à casser aussi les fibres rigides des épices, et à "faire sortir" les molécules aromatiques. 

 D’ailleurs, vous pouvez passer à la poêle des grains de poivre, à sec, avant de les mettre dans votre moulin à épices. Le goût sera très intéressant.

Dans la diffusion d’arômes, il faut libérer les bonnes molécules, et effectivement, limiter celles non souhaitées. Les coques et fibres extérieures peuvent effectivement apporter de l’amertume à mesure qu’elles s'infusent. Il faut raisonner comme avec le thé : au début c’est intéressant, mais très vite, la théobromine et autres tanins se libèrent et sont responsables de l’amertume. Donc pour les épices, l’idéal est de libérer rapidement les saveurs, et de limiter ensuite les réactions parasites. Les boules à thé sont idéales pour infuser un bouillon ou une sauce. Ou bien filtrer la préparation.   

Il faut regarder les étiquettes pour savoir ce que contiennent vraiment les mélanges. 2 cas de figure :

  • Mélange d’épices seules. Cela évite de se lancer dans des recettes complexes. Il y a des équilibres pas simples ou qui demandent de très nombreux ingrédients. Ex : garam massala.
  • Des produits qui contiennent du sel, et parfois aussi des arômes (car moins chers que des vraies épices). Il faut être vigilants, car c'est souvent très cher au kilo en plus. Faites-vous même le guacamole par exemple ou la paëlla plutôt que d’acheter ces produits ultra-transformés.