Euthanasie à Bayonne : « Cet homme n'a pas sa place en prison »

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau dira le 13 septembre 2011 si elle maintient en liberté l'urgentiste de Bayonne Nicolas Bonnemaison, mis en examen pour des faits d'euthanasie active, passibles de la réclusion criminelle à perpétuité.

Cécile Guéry-Riquier
Rédigé le , mis à jour le
Euthanasie à Bayonne : « Cet homme n'a pas sa place en prison »

Soupçonné d'avoir euthanasié sept de ses patients à l'hôpital de Bayonne, l'urgentiste a été mis en examen pour "empoisonnement sur personnes particulièrement vulnérables". L'euthanasie dite "active" (lorsqu'une personne administre une dose d'anesthésiant à un patient, qu'il soit ou non consentant) est condamnée par la loi au même titre qu'un crime. Pourtant aucune des familles concernées n'a porté plainte contre le docteur Bonnemaison, qui a déclaré durant son audience du 6 septembre 2011 avoir seulement voulu "abréger des souffrances", et ne pas être pas "un militant de l'euthanasie".

Pendant trois semaines, l'affaire a créé la polémique, déclenchant des élans de solidarité envers le docteur, comme le 16 août dernier, à l'hôpital de Bayonne, où quatre cent personnes se sont rassemblées pour manifester leur soutien. Trois jours après son interpellation, le 9 août 2011, une pétition, signée par 35 000 internautes avait été adressée au ministre de la Santé, Xavier Bertrand.En revanche, après la mise en liberté du docteur Bonnemaison, le président de l'Ordre des médecins de Pyrénées-Atlantique, le docteur Marc Renoux, n'a pas hésité à exprimer son désaccord en démissionnant: "Je m'étais largement investi en faveur d'une plainte (à l'encontre du Dr Nicolas Bonnemaison: ndlr), j'ai été désavoué, j'essaie de tenir un raisonnement cohérent, je n'ai pas pu convaincre". Cela n'a pas empêché le docteur Bonnemaison d'être accueilli par une cinquantaine de personnes arborant des masques chirurgicaux, devant le palais de justice de Pau, le jour du procès, le 6 septembre 2011. L'urgentiste, accompagné de ses deux avocats, Me Arnaud Dupin et Me Benoît Ducos-Ader, a manifestement été touché par ce geste de solidarité : "Merci d'être là, ça me va droit au cœur."

 

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  • Pourquoi avez-vous décidé de soutenir le Dr Bonnemaison dans cette affaire ?

J-L. R. : "Nous ne nous sommes pas précipités, et nous avons attendu d'avoir un certain nombre d'informations avant de déclarer dans un communiqué notre soutien à ce médecin. Nous avons reçu des témoignages de certains de ses collègues qui nous ont assuré de ses qualités humaines. Et à ma connaissance, aucune famille n'a porté plainte contre ce médecin, ce qui nous laisse penser qu'elles étaient d'accord avec le médecin. Cet homme n'a pas sa place en prison. Il a agit par compassion, et face à une loi incomplète, il a fait ce qu'il a pu pour soulager ses patients".

  • Que répondez-vous à ceux qui reprochent au Dr Bonnemaison d'avoir utilisé du curare, un anesthésiant pas vraiment recommandé pour l'euthanasie ?

J-L. R. : "Je ne suis pas médecin, et je ne veux pas intervenir dans ce type de débat médical. Mais je tiens à rappeler que l'accès aux produits conseillés pour l'euthanasie, comme le pentobarbital déjà utilisé en Belgique, en Suisse et aux Pays-Bas, n'est pas possible en France. C'est d'ailleurs ce produit que le Dr Chaussoy avait administré à Vincent Imbert. C'est pour éviter de pousser les médecins à ces extrémités que nous souhaitons une nouvelle loi sur l'euthanasie".

  • Que reprochez-vous à la loi Leonetti votée en 2005, sur la fin de vie ?

J-L. R. : "C'est une loi qui a été faite par des médecins pour des médecins. Or c'est au patient, et au patient seul, de décider de sa fin de vie. Qu'il décide d'être aidé pour abréger ses souffrances, ou qu'il désire être accompagné pour aller jusqu'au bout, c'est à lui de décider. Et non pas à une équipe de médecins. La preuve que cette loi ne suffit pas, c'est que 6 ans après son vote, les soignants la connaissent encore très mal, et les euthanasies dites "illégales" continuent. Nous ne pouvons pas continuer à laisser les patients et les médecins se débrouiller seuls."

 

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Ailleurs sur le web :

  • La Loi Leonetti sur le site du Sénat
    Depuis 2005, la fin de vie est réglementée par la loi Leonetti. Cette dernière interdit l'acharnement thérapeutique et permet l'utilisation en fin de vie de médicaments pouvant avoir pour effet secondaire d'entraîner la mort du patient.